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chasseurs ! » Apprenons donc à transporter et à débarquer des chevaux ! Tant que nous n’aurons pas résolu ce problème, les descentes ne joueront pas dans la guerre générale le rôle important auquel je les crois appelées.

Nicias victorieux jugea fort sainement la situation. L’automne commençait : que ferait-il dans son camp retranché, exposé qu’il serait tous les jours aux insultes de la cavalerie ennemie ! Comment se pourvoirait-il de bois ? comment enverrait-il chercher des vivres dans l’intérieur ? Il lui fallait la mer libre ou des escadrons. La mer, les premiers vents d’hiver allaient la lui fermer ; les escadrons, il se proposait de les demander au peuple athénien. Les vainqueurs lancèrent donc leurs vaisseaux à la mer et retournèrent, chargés de butin à Catane. On a dit que Nicias avait manqué d’audace, qu’il aurait pu brusquer l’attaque de Syracuse, profiter de la démoralisation de l’ennemi pour enlever la ville. On dit toujours de ces choses-là. Ce ne sont, croyez-le bien, que propos de rhéteurs ou de fanfarons. Quand les villes ont des murailles solides, garnies de défenseurs en nombre suffisant, on ne les enlève pas, on les assiège. Nicias ne voulut point, à l’entrée de l’hiver, assiéger Syracuse, et, par sa détermination, il s’épargna les angoisses que nous avons connues sur les plateaux glacés de la Chersonèse. L’audace, — qui le nierait ? — est parfois de saison, mais il ne faut pas que ce soit une audace aveugle. Il y a deux audaces, l’audace de Carteaux et l’audace de Napoléon : c’est celle de Napoléon qui est la bonne.


II

La lutte devait recommencer au retour du printemps. Des deux côtés, on s’y préparait avec une activité merveilleuse. Les Syracusains reculaient l’enceinte de leur ville, enveloppaient de murailles les hauteurs d’où on aurait pu les dominer et pressaient leurs alliés de leur envoyer sans délai les secours promis. Nicias, lui, demandait à grands cris de la cavalerie et des vivres. Pour en obtenir il s’adressait même à Carthage. Ne nous a-t-on pas vus recourir, pendant la campagne du Mexique, aux marchés de New-York et de la Nouvelle-Orléans ? On ne peut que louer Nicias de sa persistance à frapper, sans se décourager, à toutes les portes. Les ressources qu’il se procura furent toutefois de mince importance. D’Athènes on lui fit passer deux cent cinquante cavaliers non montés, l’engageant à chercher des chevaux dans le pays ; de Carthage, il ne reçut que de belles paroles. Il était évident que Nicias débarqué en Sicile n’était guère moins abandonné que le