Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inscription qu’on ne pourra jamais lire sous la maçonnerie qui couvre ces différens morceaux impossibles à retrouver et à rassembler. Le village de Saint-Cyr et les bastides voisines ont été bâtis en partie de ruines du port, des maisons qui y tenaient et de celles de Tauroentum. Dans quelques années, il ne restera peut-être aucun vestige de cette ville. »

Quelques années plus tard, en 1806, M. Millin, membre de l’Institut, parcourait les départemens du midi de la. France et reprenait en collaboration avec M. Thibaudeau, préfet des Bouches-du-Rhône, les fouilles commencées par Marin et déjà un peu oubliées ; mais au lieu de se contenter, comme son prédécesseur, de mentionner exactement le résultat de ses recherches, il s’attacha principalement à prouver que toutes les ruines mises au jour, — débris de portiques, de temples, marbres précieux, tombeaux, aqueducs même, — faisaient partie d’une opulente villa dont les constructions occupaient une surface de près de 2 hectares et auraient été groupées autour d’un bâtiment principal, formé de plus de soixante pièces et dont il avait retrouvé les fondations. Millin regardait même comme probable que cet immense domaine appartenait à un riche patricien de la famille Quinctiana dont le nom avait été trouvé sur la frise qui décorait son tombeau placé au milieu des jardins.

« La distribution de ces édifices, dit-il, le luxe et la richesse des ornemens dont on rencontre des indices, tout fait croire que là était non pas la ville de Tauroentum, mais une de ces charmantes habitations que les Romains aimaient passionnément, et pour l’embellissement desquelles ils faisaient des dépenses excessives. Ces habitations étaient, comme celle-ci, bâties sur le penchant des collines, on recherchait surtout le voisinage de la mer ; elles étaient partagées en trois corps : la villa rustica, qui était la maison destinée aux ouvriers et aux détails de la culture ; la villa fructuaria, où étaient les greniers, les celliers, et où l’on conservait les liquides et les fruits enfin la villa urbana, qui était l’habitation du maître. Les colonnes, les marbres, étaient destinés à orner cette partie de la villa de Quinctianus, et à former un portique, une galerie couverte, d’où l’on jouissait de la vue de la mer. On sait qu’à la villa rustica on joignait souvent un petit temple, et que ces édifices étaient, en général, accompagnés de beaucoup de chambres attenantes à une grande galerie.

« Il est très probable que le propriétaire de cette belle habitation était ce Quinctianus dont nous avons vu le tombeau et celui de sa fille ou de sa femme Paterna. La forme de ces tombeaux, l’usage des mosaïques, les médailles découvertes, qui ont toutes des têtes depuis Claude jusqu’à Décence, doivent faire présumer que ce