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trouvait le port ; à flanc de coteau étaient les maisons, au sommet se dressait l’acropole. La position exacte de l’ancien Tauroentum est indiquée d’une manière parfaitement nette dans deux documens qui sont deux bases fondamentales de la géographie historique des premiers siècles.

L’un, rédigé vers l’an 150 de Jésus Christ, est l’itinéraire maritime de l’empire, connu généralement sous le nom d’itinéraire d’Antoinn ; c’était en quelque sorte le livret officiel des stations obligées que devaient faire les navires de guerre et les courriers depuis le port d’Ostie à l’embouchure du Tibre jusqu’au port d’Arles dans l’estuaire du Rhône. On sait dans quelles conditions un peu primitives avait lieu la navigation romaine. Beaucoup moins hardis que les Phéniciens et les Grecs, que le goût des aventures et l’esprit d’entreprise poussèrent de très bonne heure vers des régions lointaines et inexplorées, les Romains ont toujours regardé la mer comme une ennemie redoutable ; guerriers incomparables sur terre, ils ne furent jamais que d’assez pauvres marins. La science ne les avait pas armés de cette triple cuirasse dont parle le poète, et qui permet d’affronter sans crainte l’immensité des flots ; pour eux la mer était le désert mystérieux, la nuit profonde, l’espace, l’inconnu. Ignorans d’ailleurs de la boussole, incapables de s’orienter pendant les nuits obscures, médiocres observateurs du cours des astres, ne disposant que de moyens de locomotion fort imparfaits, la voile et l’aviron, que la violence de la mer ou la direction du vent paralysaient souvent d’une manière complète, ne possédant que des nefs de constructions assez grossières et dont les qualités nautiques étaient très inférieures à celles des vaisseaux grecs, les Romains naviguaient toujours le long des côtes, sans perdre la terre de vue, voyageaient ainsi à petites journées et relâchaient tous les soirs dans un port désigné à l’avance et spécialement affecté à cet usage.

L’itinéraire maritime nous donne la liste de ces escales sur les côtes de l’Italie et de la Gaule ; le port de Tauroentum y est désigné entre la station d’Æmines, qui correspond à l’île des Embiez ou au mouillage du Brusq, et celle de Citharista, qui est devenue la Ciotat moderne ; le texte porte même qu’il se trouvait exactement aux deux tiers de la distance qui sépare ces deux stations, c’est-à-dire à douze milles des Embiez et à six milles de la Ciotat. En appliquant ces longueurs sur une carte, on tombe sur le mouillage des Lèques, à l’abri du rocher de Baumelles, où se trouvent encore quelques ruines informes de l’ancienne ville gréco-romaine.

Ce premier document est corroboré par un autre encore plus précis et qui détermine, aussi scientifiquement que pouvaient le faire les anciens, la latitude et la longitude du port de Tauroentum.