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sceau de la gravité et de la mesure. Il a parlé en magistrat qui prétend ne s’inspirer que « des besoins réels, des vœux certains du pays, d’un esprit de progrès et d’apaisement, » qui est bien décidé à se préoccuper surtout « du maintien de la tranquillité, de la sécurité, de la confiance, le plus ardent des vœux de la France, le plus impérieux de ses besoins. » S’il s’est déclaré prêt à suivre la loi des majorités c’était élémentaire de sa part, et il Ta fait sans abaisser la dignité du gouvernement, sans flatter les passions. C’est certainement le plus correct des messages. M. Gambetta lui-même, en se trouvant si brusquement transporté à la présidence de la chambre à la place de M. Jules Grévy, M. Gambetta, comme pour se conformer à la pensée du chef de l’état, s’est empressé d’engager les députés à entrer dans la voie de l’étude pratique de toutes les questions qui intéressent le pays. C’est une autre manière de conseiller l’apaisement en signalant le péril des discussions irritantes et stériles. Le ministère à son tour, en se reconstituant, en faisant dans sa reconstitution la part des nouvelles nécessités parlementaires, a eu évidemment pour premier objet de rester dans les conditions d’un gouvernement sensé, et puisque le sage, le prudent et libéral président du conseil de la veille se retirait, M. Jules Grévy ne pouvait certes mieux faire que de charger M. Waddington de présider le cabinet reconstitué. C’était un choix qui prenait aussitôt une double et rassurante signification à l’extérieur comme à l’intérieur. M. Waddington avait d’ailleurs dès le premier instant des collaborateurs tout trouvés dans ses collègues de pouvoir associés à la même politique, M. Léon Say, M. de Marcère, M. de Freycinet, M. le général Gresley, et parmi les ministres qui viennent d’entrer pour la première fois aux affaires, le garde des sceaux, M. Le Royer, est un homme de sens qui sait allier à de vieilles idées républicaines une finesse naturelle d’esprit et une modération avisée. Tel qu’il est, avec ses membres anciens ou récens, le cabinet reste l’expression vivante, la représentation parlementaire et responsable de la dernière évolution accomplie dans la politique intérieure de la France.

Ainsi le chef de l’état, le président de la chambre des députés, la majorité du sénat, le ministère, tout se trouve modifié ou renouvelé à la fois. C’est une transformation complète dont le vrai caractère a encore à se dégager ou à se préciser. Eh ! sans doute, dans cet ordre qui commence, tout est nouveau, tout s’est accompli avec une correction suffisante, par le mouvement naturel et libre de la légalité constitutionnelle, et dans ces conditions nouvelles où nous entrons, où nous sommes engagés, on ne peut plus dire désormais que la république soit contestée ou menacée. C’est une situation toute républicaine par les hommes et par les choses, une situation qui s’est produite régulièrement, sans trouble, sans effraction révolutionnaire, et c’est parce qu’il en a été ainsi que cette révolution légale et pacifique du 30 janvier a