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voudra, s’en tenir à une prorogation pure et simple ? A défaut de prorogation concertée, la France pourra continuer à percevoir sur les provenances d’Angleterre et de Belgique les droits de 1860 ; mais est-on sûr que la Belgique et l’Angleterre useront à notre égard du même traitement ? — Supposons que le tarif général soit voté avant la fin de l’année, aura-t-on le temps nécessaire pour engager, suivre et terminée des négociations en vue de traités nouveaux, exécutoires en 1880 ? Ainsi, tout est incertitude, même dans l’hypothèse la plus favorable, et les alarmes, exprimées déjà par les principales chambres de commerce, ne sont que trop fondées.

Ce n’est pas tout ; ou les droits inscrits au tarif général seront votés comme indiquant un minimum, une limite au-dessous de laquelle le gouvernement ne devra point descendre dans les futurs traités, ou bien ils seront calculés de manière à comporter certaines réductions qui pourront être consenties en faveur des pays désireux de traiter avec nous. Dans le premier cas, on créerait à notre diplomatie une situation inextricable, car il ne lui resterait rien à offrir dans les négociations ; elle aurait les mains liées pour la moindre des concessions qui lui seraient demandées, et si, pour peser sur la partie adverse, on la menaçait d’appliquer à ses importations une taxe différentielle, soit 10 ou 15 pour 100 en sus du tarif général, on entrerait dans une voie de représailles qui serait tout à fait impolitique et désastreuse. Dans le second cas, si pour faciliter des négociations éventuelles et à date incertaine, le nouveau tarif édictait des taxes exagérées, le consommateur français aurait à subir plus ou moins longtemps, sans compensation aucune, les effets de ces taxes qui rendraient moins abondans et plus coûteux sur notre marché un certain nombre de produits.

Quel que doive être le tarif, le régime des traités est devenu plus que jamais nécessaire, à raison de la sécurité qu’il procure aux transactions. Il faut protéger l’agriculteur, l’industriel, le commerçant contre les changemens trop fréquens de la législation économique, soit dans les pays étrangers, soit même dans leur propre pays. Les traités garantissent au travail que, pendant une période déterminée, ces conditions ne seront point modifiées, et cette garantie ne lui est pas moins précieuse contre les fluctuations de la loi nationale que contre les rigueurs éventuelles des lois étrangères. En France, par exemple, les impressions de l’esprit public sont si mobiles, les majorités de parlement obéissent à des influences si diverses, et, depuis quelque temps, les lois comme les constitutions sont faites et défaites d’une façon si imprévue que bien souvent, pour les entreprises de longue haleine, l’existence d’un traité de commerce a dû être considérée comme une sauvegarde. Quant à nos rapports avec