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produisent et engager la lutte de concurrence avec les fabriques de l’Europe. On s’étonne de cet événement comme s’il était imprévu ; on le dénonce comme une révolution qui menace les usines de France, d’Angleterre, d’Allemagne, et l’on supplie les gouvernemens d’user des rigueurs du tarif pour en conjurer les effets ! Ce n’est pourtant pas la première révolution de ce genre, et ce ne sera point la dernière ; il existe encore de par le monde des nations qui s’aviseront de vouloir nous expédier des produits achevés au lieu de nous vendre des matières premières ; l’Inde un jour tissera une plus grande part de ses cotons, l’Australie de ses laines, la Chine et le Japon de leurs soies. Qui oserait prétendre qu’il faut empêcher cela ? Comment aurait-on la pensée de maudire et de repousser ces dons du travail qui contribuent, par l’échange, au bien-être universel ? Que l’on y réfléchisse, en négligeant les détails infimes des intérêts particuliers pour ne consulter que le sentiment supérieur de l’intérêt général : ce serait commettre un acte vraiment barbare que de surtaxer ainsi le progrès et de priver toute une nation des avantages que les autres pays auraient la sagesse de s’approprier. Ne nous alarmons pas de voir les États-Unis entrer à leur tour dans la carrière industrielle. S’ils réussissent, l’Europe est de force à rivaliser avec eux, et il ne résultera de cette lutte qu’un échange plus actif des produits. Les États-Unis sont-ils dès aujourd’hui pour nous des concurrens plus redoutables que ne l’étaient l’Angleterre et la Belgique lors de la conclusion des traités de 1860 ? La France est demeurée supérieure dans certaines branches de travail, inférieure pour d’autres, et finalement l’accroissement des transactions internationales a profité à la France comme à la Belgique et à l’Angleterre. Le régime des traités est en effet le complément ou plutôt le correctif de la loi douanière ; aussi devait-il être compris dans le programme de la commission d’enquête, et il convient de s’y arrêter avant de terminer cette étude sur le tarif.


III

Tant que le libre-échange ne sera pas universellement pratiqué, il y aura des traités de commerce, et les tarifs de douane seront partiellement modifiés par des conventions diplomatiques. Cette procédure n’est qu’un expédient dont nous avons déjà, dans un précédent travail[1], exposé les inconvéniens et les avantages ; quels que soient ces inconvéniens, il est et sera longtemps encore nécessaire pour étendre les opérations du commerce extérieur, et

  1. Voir, dans la Revue du 15 février 1877, les Traités de commerce et les Tarifs de douane.