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surplus l’enquête est demeurée en quelque sorte à l’état platonique, en ce sens qu’elle n’a été l’objet d’aucune discussion au sein du sénat. Cette assemblée n’avait pas à délibérer sur un programme conçu en termes généraux, puisque dans le même moment le projet d’un tarif complet était soumis à la chambre des députés et que la question devait se présenter ultérieurement devant le sénat avec des propositions chiffrées sur chaque article. Au point de vue pratique, l’enquête à laquelle s’est livrée de son côté la commission de la chambre des députés, sous la présidence de M. Jules Ferry, intéresse plus directement l’œuvre législative.

Il s’agit là en effet d’une investigation portant sur une proposition formelle et embrassant toutes les questions, principales et accessoires, qui se rattachent à la fixation du tarif. En premier lieu, les droits inscrits dans le projet qui a été préparé par le gouvernement, après avis du conseil supérieur du commerce et du comité consultatif des arts et manufactures, sont-ils convenablement établis ? Pourraient-ils être abaissés ou relevés ? Puis, le taux proportionnel des droits étant réglé, les droits spécifiques, c’est-à-dire au poids, doivent-ils être substitués aux droits à la valeur qui ont été appliqués, d’après les traités, à un certain nombre de marchandises ? Faut-il maintenir les surtaxes d’entrepôt et conserver le régime des admissions temporaires, qui, limité d’abord à quelques articles, a reçu peu à peu une grande extension et dont les résultats ont donné lieu à de fréquentes controverses ? Enfin, les traités de commerce étant expirés, la France est-elle intéressée à les renouveler, à créer ainsi des tarifs conventionnels modifiant, au regard de divers pays étrangers, le tarif général, et, dans le cas de l’affirmative, la clause « de la nation la plus favorisée » doit-elle continuer à être insérée dans les conventions ? — Telles sont les questions précises auxquelles ont eu à répondre les déposans admis devant la commission d’enquête.

Il n’est pas indifférent de faire observer que le projet de tarif présenté par le gouvernement contient diverses augmentations de taxes, si on le compare avec le régime établi par le traité de 1860. Parmi ces augmentations, les unes sont motivées par l’intérêt fiscal et dégagées de toute idée de protection ; les autres sont, au contraire, destinées à limiter l’importation du produit étranger. En outre la substitution proposée des droits spécifiques aux droits à la valeur a pour effet d’augmenter le taux proportionnel de la taxe pour de nombreuses catégories de marchandises, notamment pour celles qui se vendent au plus bas prix et qui appartiennent à la grande consommation. Bien que le gouvernement ait déclaré, dans l’exposé des motifs, qu’il entendait « prendre les taxes inscrites au tarif conventionnel pour base de notre régime économique, » le