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introduction de matières premières utilisées par notre industrie ou de denrées alimentaires destinées à combler le déficit accidentel de nos récoltes. Vainement on leur prouve que, prise dans son ensemble, l’exportation des produit s fabriqués, qui représente particulièrement, suivant eux, le travail national, n’a jamais cessé de s’accroître et d’excéder le chiffre des produits similaires qui nous arrivent de l’étranger. Cette dernière considération, empruntée à leur propre doctrine, puisqu’elle montre l’étranger restant débiteur de notre production industrielle, ne les arrête pas, et ils s’en vont répétant que la France se ruine.

Entreprendre ici la réfutation de ce qu’on appelle encore la théorie de la balance du commerce et redire à ce sujet ce qui a été professé maintes fois par les économistes les plus autorisés, ce serait peine inutile. Il est également superflu de se livrer à une aride discussion de chiffres et d’expliquer comment l’écart signalé entre la somme des marchandises importées et celle des marchandises exportées est dû pour une grande part au mode d’évaluation adopté par la statistique officielle. En réalité, si, au lieu de se borner à lire les tableaux de douanes on tenait compte de tous les élémens d’échange, des nombreuses opérations commerciales et financières qui ne peuvent pas être constatées aux frontières et qui par conséquent ne figurent pas dans ces tableaux, on reconnaîtrait que l’argument des protectionnistes manque absolument de base pour ce qui concerne la France et que la balance nous serait plutôt profitable que désavantageuse. Ce qui est plus éloquent et plus saisissant que les théories contestées ou mal comprises et que les chiffres toujours contestables, c’est le résultat visible, palpable, du premier essai de réforme qui a été tenté dans notre législation économique. De bonne foi, à dater de 1860, s’est-on aperçu que la France est en train de se ruiner ?

Tout au contraire, il est impossible de ne point observer que précisément à partir de cette date toutes les conditions de la vie matérielle se sont sensiblement améliorées. Le trésor public a consacré des sommes considérables aux grands travaux qui forment le capital de la nation ; les fortunes privées se sont accrues, le bien-être s’est répandu dans les diverses classes sociales, par suite de l’élévation des salaires et de l’augmentation des profits. Les caisses d’épargne, les caisses de retraite, les caisses de secours mutuels, les institutions de toute nature, créées pour mettre en réserve les économies du travail, se sont multipliées avec des recettes de plus en plus abondantes. Récemment, il a fallu faire face au paiement de dépenses extraordinaires causées par d’épouvantables désastres, et la France a trouvé dans ses ressources immédiates et dans son