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est certain que ces trois causes ont produit un résultat d’autant plus grand, quant au mouvement des échanges, qu’elles ont été secondées par la réforme de la législation internationale. Ainsi c’est par milliards que depuis 1860 la statistique chiffre la progression du commerce extérieur, alors que précédemment cette progression avait des allures beaucoup plus modestes. Au surplus, comment les protectionnistes peuvent-ils attribuer hypothétiquement à l’ancien régime une égale vertu d’expansion pour les rapports avec l’étranger ? Puisqu’ils accusent le libre-échange de livrer le marché national à l’invasion des produits du dehors, ils commettent une singulière contradiction en prétendant que le régime, opposé par eux au libre-échange, aurait procuré le même chiffre d’affaires ! Non, il ne saurait exister le moindre doute sur les résultats du traité de 1860, quant au mouvement accéléré que les rédactions du tarif ont imprimé aux transactions commerciales. La France a importé des marchandises étrangères, elle a exporté des produits français dans des proportions qui n’auraient pu être atteintes avec le maintien des prohibitions et des taxes élevées. C’est là un point indiscutable, dont témoignent toutes les statistiques et qui doit être entièrement attribué à la réforme.

Cependant, lors même qu’ils admettent cette activité croissante des échanges, les protectionnistes ne se tiennent pas pour battus. En feuilletant à leur tour les documens statistiques, ils découvrent qu’avant 1860 la somme annuelle de nos importations excédait celle des exportations et que, depuis 1860, l’effet contraire s’est plus d’une fois produit ; d’où il résulterait, suivant eux, que le mouvement des affaires nous a été défavorable, en nous laissant, pour le solde des opérations, débiteurs de l’étranger. Les économistes ont depuis longtemps fait justice de cet argument connu sous le nom de « balance du commerce ; » mais on ne saurait dire que leurs dissertations aient obtenu jusqu’ici plein succès. La « balance du commerce » continue à jouer un grand rôle dans les discussions relatives au tarif ; elle a conservé dans l’opinion populaire et même en hauts lieux une partie de son ancien prestige. Être obligé d’acheter plus qu’on ne peut vendre, avoir à payer plus qu’on ne reçoit, parfaire le solde par un appoint en numéraire, voilà, répète-t-on encore, un signe d’évidente infériorité, un symptôme d’appauvrissement, un acheminement vers la ruine ! Et l’on part de là pour attester que la réforme de 1860 a commencé la ruine de la France.

C’est en vain que l’on engage les protectionnistes à consulter plus attentivement les statistiques et à observer que l’excédant des exportations, pendant certaines années, provient d’une plus grande