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réformes dont il a été souvent question. Il faudrait d’abord renoncer à la perception des impôts en nature, système qui coûte fort cher à l’état et qui ruine le contribuable. On a calculé que tant en dépenses en moins qu’en recettes en plus, le trésor aurait avec l’autre mode de perception un excédant de plus d’un million de drachmes. Quant aux cultivateurs, ils gagneraient le double et le triple à ne pas laisser leurs moissons sécher ou pourrir en attendant les agens du fisc. La rareté du numéraire a empêché jusqu’ici l’état de modifier son système de perception ; cependant un projet de loi sur cette question grave est à l’étude, et on espère qu’on pourra le présenter cette année à la chambre hellénique. Il y aurait aussi à vendre les domaines de l’état, qui ne lui rapportent presque rien. En Grèce, où tout le monde fume, la vente du tabac est libre. La mise en régie du tabac rapporterait, assure-t-on, plus de 2 millions par an au trésor. Mais cet impôt, qui frapperait toute la population, serait excessivement impopulaire. Il est douteux que la chambre ose en assumer la responsabilité. Les Grecs sont cependant aussi patriotes que les Lombards-Vénitiens ; or ne dit-on pas que pendant plusieurs années les Italiens se sont privés de fumer pour tarir une des sources des revenus de l’Autriche ? On n’exige point des Grecs un tel sacrifice. On leur demande seulement que chacune de leurs cigarettes serve à sauver les finances de la Grèce.

En Grèce, c’est surtout l’état qui est pauvre. Le pays même s’enrichit chaque jour. Les statistiques de la Grèce prouvent que tout y est en grand progrès. La population augmente d’une façon remarquable. Sans nous arrêter à l’évaluation arbitraire faite en 1830 de la population grecque, qui donnait le chiffre de 600,000 âmes, nous prendrons pour base le premier recensement régulier, fait en 1838 ; il accusait 752,000 habitans. En 1851, le second recensement officiel donnait 998,000 habitans ; en 1861, le troisième recensement arrivait au chiffre de 1,096,000 habitans ; en 1870, enfin, le dernier recensement élevait à 1,458,000 âmes la population de la Grèce. Il faut, il est vrai, déduire de ce chiffre les 229,000 habitans des îles Ioniennes réunies à la Grèce en 1864. Il reste alors pour les anciennes provinces 1,228,000 habitans. Ainsi de 1838 à 1870, la population s’est accrue de 473,000 habitans, soit dans la proportion de 63 pour 100. Depuis 1870, le nombre des habitans a augmenté au moins dans les mêmes proportions, ce qui porte par analogie la période du doublement de la population à quarante-cinq ans. La Grèce doit donc être rangée parmi les états de l’Europe où se rencontre le plus rapide accroissement de la population. Pour doubler sa population, il faut à la Saxe trente-neuf ans, à la Prusse quarante-huit ans, à