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l’autorité royale ; mais à cette époque il s’éleva sur l’acceptation des nouveaux agens entre le roi et le clergé un débat qui eut beaucoup de retentissement.

Louis XIII, qui agissait à l’instigation de Richelieu, voulut imposer pour agent un sieur Berland, prieur de Saint-Denis de la Châtre. L’assemblée ne s’était point encore réunie cette année-là, mais les provinces ecclésiastiques avaient l’usage de procéder à l’élection des agens à la place de ceux qui sortaient de charge, quand même il n’y avait pas d’assemblée générale. Les provinces dont c’était le tour de nommer les nouveaux agens, à savoir celle d’Arles et celle d’Embrun, avaient choisi l’abbé de Grignan et l’abbé d’Hugues, chantre et chanoine de l’église d’Embrun. Quand, suivant l’usage, ils se présentèrent au roi, celui-ci refusa de les reconnaître. Il donna pour motif que l’abbé de Grignan avait été élu par une assemblée réunie sans sa permission. En effet, comme il entendait maintenir au poste d’agent l’abbé Berland, sa créature ou plutôt celle de Richelieu, car ce Berland était un peu parent du cardinal, il avait mandé à toutes les provinces qu’on ne procédât pas à l’élection d’un agent avant l’année 1645. Quant à l’élection de l’abbé d’Hugues, il la tenait pour viciée par un marché qui sentait la simonie. L’abbé d’Hugues, dans l’assemblée provinciale d’Embrun, n’avait obtenu que deux voix, tandis que la majorité s’était portée sur Gassendi, le célèbre philosophe qui fut l’adversaire de Descartes et qui était prêtre, comme l’on sait. L’abbé d’Hugues avait donné 8,000 livres à son compétiteur pour en obtenir le désistement, et c’est ainsi qu’il avait été nommé. De pareils marchés n’étaient pas rares dans les élections ecclésiastiques, et on fermait là-dessus les yeux, ainsi que nous l’apprend Montchal dans son Journal de l’assemblée de Mantes. Mais Louis XIII, qui voulait écarter ces compétiteurs, se montra plus sévère qu’on ne l’avait été jusqu’alors. En fait, il avait déjà mis l’abbé Berland en possession des fonctions qu’il entendait lui faire attribuer. Quelques jours auparavant (30 août 1641), il avait envoyé au prieur de Saint-Denis de la Châtre une lettre de cachet par laquelle il lui commandait d’exercer la charge d’agent jusqu’à ce qu’il en eût autrement ordonné. Berland s’était mis dès lors en possession de son poste, et malgré les réclamations des deux agens sortans qui devaient rester en fonctions jusqu’à l’élection de leurs successeurs, notamment de l’abbé de Saint-Vincent, le plus résolu des deux, il opéra une descente aux archives du clergé et s’empara des papiers dont les agens avaient la garde, car Richelieu, qui voulait imposer à nouveau le clergé, avait intérêt à connaître les originaux des départemens des décimes pour l’année 1588, destinés à servir de base à la nouvelle imposition. Un pareil acte était presque un