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difficulté, des prélats comme des autres notables, les sommes qui lui étaient indispensables pour reprendre vigoureusement les hostilités. Le cardinal de Bourbon, qui était à la tête de la députation ecclésiastique, offrit, au nom de l’église de France, 1,300,000 écus d’acompte ; mais si le clergé se montra en cette circonstance si accommodant, c’est qu’il s’agissait, dans l’expédition projetée en Italie, de délivrer le pape prisonnier au château Saint-Ange des bandes qui avaient saccagé Rome. Le cardinal de Bourbon mit en effet pour condition à la libéralité du clergé que le roi ferait recouvrer la liberté à Clément VII et qu’il jurerait d’exterminer les luthériens. Il y avait donc là encore, comme cela avait été le cas lors des demandes antérieures, une circonstance exceptionnelle et un intérêt tout religieux : voilà pourquoi le clergé consentait à s’imposer des charges pécuniaires dont il se tenait en principe pour exempt à raison de ses immunités. Les concessions de deniers lui fournissaient d’ailleurs un moyen de faire consacrer à nouveau ses privilèges par la couronne. Comme on avait besoin de son concours, le clergé imposait au roi la condition de reconnaître formellement des droits qu’en d’autres occurrences celui-ci eût été disposé à contester. Précisément parce que le concordat de 1517 avait porté quelque atteinte à l’indépendance de l’église gallicane, le clergé français saisissait l’occasion de se fortifier dans ses vieilles immunités par les services que le gouvernement sollicitait de lui. Et en effet, dans l’assemblée de 1527, les prélats stipulèrent le maintien des privilèges de l’église, et dans le cours du même siècle, chaque fois que le roi réclama de l’assemblée du clergé la continuation des subventions qu’il en avait déjà obtenues ou de nouveaux subsides, elle renouvela la clause du maintien des libertés ecclésiastiques ; elle profita de la pressante nécessité d’argent où se trouvait le roi pour lui dicter des conditions qui tournaient à l’avantage de l’indépendance de l’église et étaient destinées à lui mieux assurer une protection contre le pouvoir civil. Les assemblées du clergé prirent ainsi vis-à-vis de la royauté quelque peu l’attitude qu’avait en Angleterre le parlement en face de la couronne. Le vote de l’impôt devint pour elles un moyen d’étendre ; tout au moins de consolider les franchises de l’église gallicane et de lui garantir un régime d’autonomie temporelle, grâce auquel elle pouvait se soustraire en grande partie à la surveillance du pouvoir séculier. Sans doute les rois de France avaient confirmé par des ordonnances les immunités ecclésiastiques ; mais le besoin que l’état avait des subventions du clergé était une garantie plus sûre que toutes les déclarations d’un saint Louis, d’un Philippe le Bel, d’un Jean, d’un Charles V, d’un Charles VII. Les assemblées du clergé devinrent de véritables états-généraux à l’usage