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protecteur éclairé, et tout récemment le roi couronnait sa carrière de marin en le nommant grand-amiral. Comme gouverneur du Luxembourg, il avait toujours montré autant de tact que de modération. Sous des dehors graves et méditatifs, le prince Henri gardait un fonds généreux de cordialité et de bienveillance. Il avait de la bonhomie dans la dignité, des goûts simples, un esprit conciliant, et en lui, on le savait, vibrait le sentiment national. Aussi avait-il conquis dans le Luxembourg comme en Hollande une honnête popularité qui se manifestait à l’occasion du second mariage qu’il faisait, lui aussi, il y a quelques mois à peine et qui a éclaté plus vivement encore il y a quelques jours, au moment où une mort imprévue l’a frappé. C’est à coup sûr l’honneur d’un prince de laisser après lui une si touchante et si universelle émotion, d’être regretté par un pays tel que la Hollande, comme une des plus dignes personnifications de la vie nationale.

Lorsque les chambres néerlandaises se sont trouvées réunies ces jours derniers à La Haye, leur premier acte a été de s’associer à ce deuil de la famille royale, dans lequel on voyait un deuil public, et de donner une expression officielle au sentiment du pays tout entier. Tous les dissentimens parlementaires se sont effacés à ce début un peu assombri d’une session nouvelle. La politique ne tardera pas sans doute à reprendre ses droits, d’autant plus que le ministère qui existe depuis un an déjà, qui s’est formé à la fin de 1877 sous la présidence de M. Kappaine van de Coppello, va se trouver peut-être dans des conditions assez difficiles. Le ministère hollandais a été tout dernièrement éprouvé, lui aussi, par la mort ; il vient de perdre un de ses membres le plus distingués, les plus résolus, M. de Roo, qui avait été appelé à la direction des affaires de la guerre et qui avait porté dans l’administration de l’armée, dans l’organisation de la défense nationale un esprit de réforme, une vigueur de volonté dont on attendait beaucoup. M. de Roo, avant d’arriver au pouvoir, s’était signalé par ses écrits, par sa carrière parlementaire. Le remplacer n’est pas précisément aisé, et le ministre de la marine a pris pour le moment la direction de la guerre. Le ministère de La Haye aura cependant besoin de toutes ses forces. Il a devant lui un certain nombre de questions épineuses, dont l’une, celle de l’instruction primaire, n’a eu jusqu’ici qu’un commencement de solution. Elle a été, si l’on veut, à demi résolue, conformément aux propositions ministérielles, par une loi qui a fait prévaloir le principe dit de « l’école neutre, » malgré l’opposition des protestans antirévolutionnaires et des catholiques ; mais il reste une dernière bataille à livrer pour fixer la date définitive de l’exécution de la loi, et tout pourrait être remis en doute par de nouvelles luttes de partis. Le ministère hollandais a de plus sur les bras des difficultés d’un autre ordre, des difficultés financières, qui résultent des sacrifices que la Hollande s’impose pour des travaux de toute sorte dans ses possessions d’outre-mer,