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politique qui s’empare de l’homme depuis l’enfance pour le mouler au gré de ses besoins. Le code civil prussien consacre déjà une partie des articles du programme des chrétiens-sociaux. Voici ce qu’on trouve au titre XIX, deuxième partie du Preussische allgemeine Landrecht : — « § 1. L’état doit soigner pour la nourriture et l’entretien des citoyens qui ne peuvent se le procurer eux-mêmes ou qui ne peuvent l’obtenir de ceux qui y sont tenus par la loi. — §2. « A ceux qui ne trouvent pas à s’employer, on assignera des travaux en rapport avec leurs forces et leurs aptitudes. — § 3. « Ceux qui, par paresse ou goût de l’oisiveté ou par toute autre disposition vicieuse, négligent de se procurer des moyens d’existence, seront tenus à exécuter des travaux utiles sous la surveillance de l’autorité. — § 6. « L’état a le droit et est obligé de créer des institutions au moyen desquelles le dénûment des uns et la prodigalité des autres sont également empêchés. — § 7. « Est absolument interdit dans l’état tout ce qui peut avoir pour effet de provoquer à l’oisiveté, surtout dans les classes inférieures, ainsi que tout ce qui peut détourner du travail. — § 10. « Les autorités communales sont tenues de nourrir les habitans pauvres. — § 11. « Elles doivent s’informer des causes de leur dénûment et les signaler aux autorités supérieures afin qu’on y porte remède. » Ne dirait-on pas le texte de loi d’une Salente chrétienne ? Le précepte de saint Paul : Que celui qui ne travaille pas ne mange pas, qui non laborat nec manducet, se trouve ici transformé en un article du code. L’oisiveté est un délit. Le droit au secours, comme dans la loi d’Elisabeth, et le droit au travail comme en 1848, sont également reconnus. Le rôle tutélaire de l’état est nettement accusé. La portée socialiste du code ne peut être méconnue.

Le but principal à poursuivre, d’après les chrétiens-sociaux, d’accord en ceci avec les conservateurs-sociaux, c’est l’organisation des corps et métiers. C’est ainsi seulement que le système actuel du salariat peut être modifié. Le conseiller privé, F. Reuleaux, qui, lors de l’exposition de Philadelphie, a montré d’une façon si impitoyable et si utile les imperfections de l’industrie allemande, croit aussi que l’organisation de corporations est indispensable, d’abord pour garantir l’existence de l’ouvrier, et en second lieu pour former des apprentis capables. Il veut qu’elles s’organisent librement et sans monopole, mais sous le patronage de l’état. Le Staats-Socialist, au contraire, demande qu’elles soient imposées et obligatoires pour tous les métiers. Ainsi seulement elles permettraient à l’ouvrier de défendre efficacement ses intérêts. Ces corps de métiers auraient leurs représentans au parlement, et l’intervention en politique des ouvriers ainsi organisés serait plus utile que maintenant qu’elle a lieu sous le drapeau des partis. Sismondi