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Culturkampf, les pasteurs de l’église officielle veulent fortifier dans le peuple le sentiment monarchique et étendre les pouvoirs de la royauté. Aussi combattent-ils vivement le Fortschrittspartei, le parti du progrès, c’est-à-dire ces libéraux qui, prenant l’Angleterre pour idéal, veulent restreindre l’action de l’état et en remettre la direction aux volontés du parlement. Le parti socialiste évangélique poursuit comme type de gouvernement le règne de Frédéric II et plus encore celui de son père, qui menait son royaume et sa famille à la baguette, mais qui était très pieux « à sa manière, » et excellent économe.

Le pasteur Stocker fonda deux associations. D’abord une société pour la réforme sociale (Centralverein fur Social-Reform), ensuite une association d’ouvriers chrétiens sociaux (christlich-sociale Arbeiterpartei). Quoique les mêmes idées et presque les mêmes personnes eussent présidé à la constitution des deux groupes, leur but est très différent. La Société de la réforme sociale doit se composer de personnes aisées et instruites, pasteurs, professeurs, industriels, propriétaires, qui chercheront en commun les moyens de réconcilier les classes hostiles par des réformes qu’inspirera l’esprit du christianisme. Aujourd’hui les partisans des corporations, les « agrariens, » ceux qui demandent la protection du travail national, non-seulement ne s’entendent pas pour unir leurs efforts, mais se combattent et se neutralisent. Il faut montrer comment ces tendances concordent et quel est le principe supérieur qui les justifie et qui les relie. Ce que l’on appelle la société cultivée comprend si peu la véritable mission du christianisme que, quand le pasteur Stocker commença à s’occuper de la question sociale, toutes les feuilles libérales et progressistes lui crièrent : Mucker-socialismus « socialisme cagot. » Il est donc urgent de combattre le matérialisme dans les classes élevées, l’athéisme dans le peuple et de faire renaître la conception religieuse du monde et de la société. D’une part il faut que les pasteurs tendent la main aux ouvriers afin de les ramener au christianisme ; ce sera l’œuvre du christlich-sociale Arbeiterpartei, D*autre part, il est nécessaire que les amis du peuple parmi les classes supérieures se groupent pour chercher les moyens de prévenir la révolution par des réformes. C’est ce que fera le Centralverein. En même temps un journal fut fondé, der Staats-Socialist, qui prit pour épigraphe ces mots : « La question sociale existe et elle ne peut être résolue que par l’état fortement et monarchiquement constitué, appuyé sur les facteurs moraux et religieux de la vie nationale. » Cela signifie apparemment « avec l’aide du clergé évangélique. »

Après les attentats contre l’empereur, on ne peut nier en Allemagne l’existence du péril social. Mais comment le combattre ? Trois