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frelatées ne résisteront pas. À ce point de vue, les documens inédits qu’on vient de lire ne laissent pas de présenter quelque intérêt ; il nous a paru qu’ils éclairaient d’un jour nouveau la première conspiration Malet. Ceux qui se rapportent à la seconde ne sont pas moins dignes d’être étudiés ; on va pouvoir en juger.


II

Le 24 octobre 1812, les Parisiens, en s’éveillant, purent lire dans le Moniteur et sur les murs la pièce suivante, signée du duc de Rovigo :

« Trois ex-généraux, Malet, Lahorie et Guidal, ont trompé quelques gardes nationaux et les ont dirigés contre le ministre de la police générale, le préfet de police et le commandant de la place de Paris. Ils ont exercé des violences contre eux. Ils répandaient le bruit de la mort de l’empereur.

« Ces ex-généraux sont arrêtés ; ils sont convaincus d’imposture ; il va en être fait justice.

« Le calme le plus absolu règne dans Paris ; il n’a été troublé que dans les trois hôtels où ces brigands se sont portés. »

Que s’était-il passé ? Comment le général Malet avait-il pu tromper la vigilance de la police impériale et nouer des intelligences au dehors de la maison où il était détenu ? Par quel prodige d’habileté, par quel coup d’audace était-il parvenu à débaucher des troupes, en plein Paris, sans que la tranquillité de la rue fût troublée, sans qu’aucune commotion violente eût ébranlé le gouvernement impérial ? L’empereur était loin, il est vrai, bien loin ; il venait d’entreprendre la désastreuse campagne de Russie, alors qu’une partie de ses meilleures troupes étaient occupées à réduire l’Espagne. Mais il n’avait encore éprouvé aucun échec ; jamais son génie n’avait paru plus puissant, ni sa force plus grande. D’ailleurs, en partant, n’avait-il pas laissé derrière lui la machine gouvernementale la mieux agencée, la plus solidement construite qui ait été : de grands corps d’état, dévoués à sa personne, de grands dignitaires de la couronne qui lui devaient tout, une administration incomparable, une police qui n’avait jamais été prise en défaut ? La constitution impériale n’avait-elle pas enfin très nettement réglé la transmission du pouvoir, et, s’il arrivait malheur à Napoléon, le roi de Rome n’était-il pas là ? Malet n’ignorait aucune de ces choses. Il savait par expérience qu’il ne faisait pas bon jouer avec la police, et il avait appris à se défier des « camarades. » C’est par un camarade, général en disponibilité comme lui, mécontent comme lui, qu’il avait été trahi lors du complot de 1808. D’autre part, il sentait bien que du vivant de l’empereur aucune