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rencontrerez pas d’autre que celui que découvrit le fils d’Alcisthène sur la frontière de la Messénie, à 75 kilomètres environ de Sparte. Il existe, en effet, au fond du vaste bassin où s’abîmèrent, le 20 octobre 1827, les vaisseaux d’Ibrahim-Pacha, écrasés par le feu des escadres chrétiennes, un massif abrupt d’une hauteur de 137 mètres environ. Ce massif est séparé par une passe étroite de la pointe septentrionale de l’île Sphactérie ; il affecte lui-même les abords malaisés d’une île, car si l’une de ses faces surplombe la mer Ionienne, l’autre surgit du sein d’un immense étang, — l’étang de Dagh-Liani, — qui fut peut-être, au temps d’Homère, quand des apports de sable ne l’avaient pas encore séparé de la baie de Navarin et ne le sollicitaient pas à s’extravaser sur une vaste étendue, l’asile où s’abritaient les nefs du vieux Nestor, le port renommé de Pylos. L’extrémité méridionale de cette presqu’île rocheuse a pour fossé, nous venons de le dire, la passe de Sphactérie qui la ceint tout entière, l’autre extrémité est gardée par un enfoncement où vient s’engouffrer la mer du large, havre étroit dans lequel, par parenthèse, j’ai failli en 1831 me noyer. Bien que le massif soit aujourd’hui abordable par deux langues de sable, — un seul cordon le réunissait autrefois au continent, — la position n’en est pas moins restée à peu près inexpugnable. Les Vénitiens, quand ils conquirent en 1687 le Péloponèse, s’établirent sur cette péninsule et en couronnèrent le sommet d’un château fort, — Paleo-Castro. — Ibrahim-Pacha, en 1825, fit aisément tomber le fort de Navarin et l’île de Sphactérie au pouvoir de ses réguliers ; il ne dut qu’à la famine la conquête de Paleo-Castro. C’est là que Démosthène voulut asseoir le nid d’aigle qu’il comptait donner en garde aux Messéniens, pour que ces ennemis irréconciliables de Sparte pussent, comme d’un nouveau mont Ithôme, fondre, au retour de chaque printemps, sur les fertiles campagnes qui s’étendent à la base du mont Taygète.

Le fils d’Alcisthène n’exerçait pas à cette époque de commandement direct ; une expédition heureuse, entreprise de concert avec les Acarnanes, venait à peine de le remettre en crédit ; le peuple d’Athènes ne l’en autorisa pas moins, sur sa demande, à disposer de la flotte d’Eurymédon qui, après s’être ravitaillée au Pirée, retournait à Corcyre. Dès que cette flotte parut en vue des côtes du Péloponèse, Démosthène accourut, exhiba ses pouvoirs et entraîna les vaisseaux d’Eurymédon à Pylos. Si la mer eût été en ce moment navigable, Eurymédon n’eût probablement pas tardé à continuer sa route, car le dessein de Démosthène lui semblait complètement dénué de raison. Les officiers inférieurs de l’armée, les taxiarques, n’accordaient pas à ce projet bizarre plus de sympathie. Par bonheur, le vent contraire retint Eurymédon, et Démosthène employa bien