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chéologie. Quel plaisir de se créer une collection dont chaque objet vous rappellera le souvenir de quelque adroit achat ou de quelque fouille heureuse, comme les bois de chevreuil ou les bures de sanglier dont il orne sa demeure rappellent au chasseur telle brillante menée de ses chiens, tel défaut habilement relevé, tel hallali triomphant ! Quant à la dépense, elle est à la portée de toutes les bourses. C’était autrefois une maxime établie que la guerre doit nourrir la guerre, et l’on pourrait citer tel peuple qui la pratique encore dans toute sa dureté ; de même dans un terrain aussi riche que l’a été jusqu’ici celui de Cypre, des fouilles bien conduites et que favorise un peu la chance ont toujours suffi à payer leurs propres frais et à fournir les fonds nécessaires pour de nouveaux travaux et de nouvelles découvertes.

De 1866 à 1869, tout le monde à Cypre donnait des coups de pioche et remuait la terre avec une activité fiévreuse. On se serait cru en Californie, le lendemain du jour où y avait été signalée la présence de l’or. Chacun avait son placer, son filon qu’il suivait avec une ardeur passionnée, ses agens dressés à la recherche des antiquités, ses ouvriers que l’habitude avait rendus singulièrement adroits et expéditifs, malgré les mauvais outils dont ils s’obstinaient à se servir. M. Lang avait été l’un des premiers à suivre l’exemple de M. de Maricourt. Il avait commencé par acheter aux paysans des vases de verre et d’argile : « Ma maison, dit-il, ressemblait à une boutique de potier, et je ne savais plus où rien poser. » Plus tard, en 1869, il découvrit à Dali un temple dont il a négligé, par malheur, de nous donner le plan, omission d’autant plus regrettable que l’on ne sait presque rien sur la disposition de ces sanctuaires de l’île qui attiraient de si nombreux pèlerins. Si cette négligence nous prive de renseignemens qui auraient leur intérêt pour l’histoire de l’architecture et des cultes orientaux, ces fouilles n’en donnèrent pas moins des résultats importans, statues et statuettes en pierre et en terre cuite, de dimensions différentes et plus ou moins bien conservées, figurines en bronze, pour la plupart d’un style qui se rapproche de l’égyptien, ornemens d’émail bleu ou blanc, paraissant avoir appartenu à des colliers, débris de vases, verres presque tous brisés en menus fragmens, médailles d’argent, appartenant à la plus ancienne période du monnayage de l’île, avec plus d’un type nouveau et des légendes en caractères cypriotes. Ces pièces de monnaie furent trouvées en deux groupes, sous ce qui devait être le pavé du temple. M. Lang semblait prédestiné aux bonnes fortunes numismatiques. En 1870, cinq jeunes gens cherchaient des statuettes dans cette dune de sable où M. de Maricourt avait fait ses premières trouvailles. L’un d’eux, de la pointe de son outil, heurta un vase de bronze. Il le souleva dans ses mains ; le