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fournir des renseignemens à ses compatriotes sur leur nouvelle possession et pour leur exposer ses vues sur l’avenir de la colonie. M. Lang, c’est donc un négociant et un banquier. Enfant d’une de ces familles nombreuses comme l’Ecosse en compte tant, il avait dû de bonne heure aller chercher fortune par le monde, comme l’avaient fait avant lui bien d’autres fils de cette race énergique et sensée, dure au travail et dure au gain. Lisez l’ouvrage qu’il vient de publier, et vous serez frappé de voir comme ses belles découvertes y tiennent peu de place. L’auteur s’étend, avec une complaisance marquée, sur les richesses naturelles de l’île, sur son agriculture, sur son industrie et ses revenus ; il nous donne tout au long l’histoire de l’exploitation agricole qu’il avait créée près de Larnaca, et il expose avec beaucoup de détail les conditions que doit remplir une machine à battre, pour se faire accepter par les laboureurs cypriotes et par leur bétail, qui ne veut pas manger la paille hachée ; mais sur les statues, sur les monnaies, sur les deux temples qu’il a découverts, quelques mots à peine, très brefs et très insuffisans. Pourtant le public anglais a sous les yeux, au Musée britannique, la plupart de ces monumens, et s’il est un pays où les souvenirs classiques paraissent chers et familiers aux gens du monde, c’est bien l’Angleterre. C’est que l’archéologie n’avait pas le cœur et les prédilections secrètes de M. Lang. Les fouilles et l’achat des antiquités n’ont jamais été pour lui qu’un passe-temps agréable. Cet amusement ne risquait d’ailleurs pas de lui devenir jamais onéreux, tant était vif l’empressement avec lequel les musées de l’Occident, depuis quelques années, se disputaient les monumens que restituait à la science le sol de l’île, cette mine si riche et si longtemps négligée.

Quant à M. de Cesnola, ce fut le jour de Noël 1865 qu’il arrivait à Larnaca comme consul des États-Unis d’Amérique ; il raconte son débarquement avec cette bonne humeur qui fait un des principaux charmes de son livre. À Larnaca, comme dans tous les ports de la Syrie, il n’y a point de bassin fermé où l’on soit à l’abri du flot et où l’on puisse aborder à quai ; vivement poussées par un dernier élan des rames, les barques viennent s’échouer sur la grève. Lorsqu’il y a de la houle, il est à peu près impossible d’atteindre la plage sans avoir été mouillé jusqu’aux os ; demandez à tous ceux qui sont descendus à Jaffa, ne fût-ce qu’une fois dans leur vie ! La mer était dure le jour où, sur une large mahonne à l’arrière de laquelle flottait la bannière étoilée, le consul d’Amérique gagnait la côte avec sa femme, avec les cawass et les employés de la chancellerie ; ceux-ci étaient venus le chercher à bord du paquebot autrichien et lui rendre leurs devoirs à la mode orientale, en lui baisant la main. À peu de distance du rivage, la