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en voulions presque d’avoir abandonné la spéculation pour la pratique. Mais il nous a prouvé que c’était lui qui avait raison et qui avait mieux compris sa vocation que nous-même. En introduisant l’esprit philosophique dans la pédagogie, il servait plus notre science que par des travaux plus spéciaux. Cet esprit philosophique, il le montre non-seulement dans les rapports que nous avons mentionnés, mais encore dans un Dictionnaire de pédagogie qui est en voie de publication, dans une intéressante conférence faite au Trocadéro et qui a été réunie, dans un même volume, avec plusieurs autres, sous le nom de Conférences pédagogiques, auxquelles les noms de M. Levasseur, de M. Bréal, donnent une haute autorité.

Nous n’avons aucune compétence pour résumer ici ce qui a été fait au point de vue pratique pour l’enseignement populaire soit en France, soit à l’étranger. Nous nous contenterons de recueillir dans les deux grands rapports signalés plus haut, l’un sur Paris, l’autre sur Philadelphie, ce qui-peut intéresser la connaissance des âmes et des caractères, tout ce qui a quelque signification morale, tout ce qui peut enfin servir à la psychologie, comprise dans le sens le plus étendu.


I

M. Gréard commence par étudier dans son Rapport et soumettre à la critique une des expériences psychologiques les plus curieuses qui aient été faites de nos jours : je veux dire la méthode de l’enseignement mutuel. Il montre par d’excellentes raisons pourquoi l’on a été obligé de renoncer à ce mode d’enseignement, et son travail, consacré aux résultats des méthodes qui ont succédé, ne pouvait, sans s’attarder, faire autre chose que la critique des méthodes précédentes, afin d’expliquer pourquoi on les avait abandonnées. Cependant, je l’avoue, j’aurais été curieux de savoir plus en détail comment une pareille expérience, si peu rationnelle en apparence, avait pu être tentée, comment elle avait eu tant de succès, comment elle avait pu durer si longtemps. En général, les utopies ne réussissent pas si vite ni sur une si vaste échelle, surtout dans l’ordre officiel, où l’on n’a pas à reprendre d’ordinaire l’exagération des nouveautés. Voyez la méthode Jacotot : elle est restée le propre d’une petite secte et n’est pas devenue une méthode universelle. Comment l’enseignement mutuel, c’est-à-dire l’enseignement de l’élève par l’élève, a-t-ii pu, avec des défauts si graves et si évidens, obtenir un tel succès et produire de tels effets ? J’ai entendu le vénérable M. Renouard, qui pour sa part a tant fait pour l’enseignement populaire, je l’ai entendu, dis-je, revendiquer une grande part d’honneur pour l’enseignement mutuel dans les progrès de