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avoir passé par bien des épreuves, a récemment abouti à des contestations juridiques, et le gouvernement du bey, au lieu de laisser la justice suivre son cours, a prétendu en finir par une dépossession sommaire du propriétaire français. Il a envoyé des fonctionnaires ou des soldats de police pour pratiquer une saisie par la force. Les agens tunisiens ont rencontré devant eux l’autorité du consul de France, qui a protesté, qui n’a point hésité à demander justice de la violation des droits d’un Français et de l’outrage au pavillon. Si peu important qu’il fût à l’origine et en lui-même, l’incident a pu prendre une apparence de gravité par un concours de circonstances peu saisissables. Des agens étrangers ont peut-être joué un rôle peu bienveillant, peu conciliant. Il n’est point impossible qu’il y ait eu autour du bey des conseillers malavisés, troublant son esprit avec tous ces bruits d’annexion de Tunis à l’Algérie, et l’excitant à saisir l’occasion de faire échec à la France, en lui laissant peut-être espérer quelque appui extérieur. C’était une raison de plus pour que le représentant de la France n’hésitât pas à déjouer tous ces petits calculs par la fermeté de son attitude, et pour que notre gouvernement s’empressât de soutenir son agent en mettant le bey en demeure de donner les réparations et les satisfactions nécessaires. Évidemment, c’était un droit que personne ne pouvait méconnaître ni à Londres, ni à Constantinople, ni ailleurs. Ce droit, on ne pouvait pas songer d’ailleurs à l’exercer par un abus de la force à l’égard d’un petit prince pris en faute ; mais il y avait un intérêt assez sérieux pour notre autorité, pour la sûreté de l’Algérie, à ne pas laisser se former à Tunis cette idée qu’on pouvait impunément toucher à un de nos nationaux ou se jouer légèrement de l’influence de la France. Ce qu’il y avait à faire, le gouvernement français l’a fait simplement, presque sans bruit, de façon à être compris par le bey, qui s’est empressé de se soumettre, et l’incident a été heureusement clos avant même d’avoir eu le temps de prendre une place dans la politique du jour.

L’Espagne, qui va bientôt, elle aussi, avoir des élections, qui elle aussi a ses questions ministérielles, parlementaires ou personnelles, l’Espagne vient de perdre un homme qui, sans avoir eu des dons de premier ordre comme chef militaire ou comme politique, a eu un rôle éminent et a été à sa manière un grand Espagnol : c’est le général D. Baldomero Espartero, duc de la Victoire, prince de Vergara, ancien chef d’armée, ancien régent du royaume pendant la minorité de la reine Isabelle II, ancien président du conseil dans des momens difficiles. Il était si complètement effacé depuis des années qu’il pouvait être considéré comme fini pour le monde bien avant sa mort réelle. Il vient de s’éteindre à quatre-vingt-sept ans dans sa modeste et honorable retraite de la province de la Rioja, à Logrono. C’est un personnage du temps qui disparaît après avoir eu une sorte d’originalité historique, sans avoir