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REVUE LITTERAIRE

LE REPERTOIRE CLASSIQUE A LA COMDIE-FRANCAISE

Grimm raconte quelque part, dans sa Correspondance, qu’en 1753 la Comédie-Française, trahie de la fortune, désertée du public, s’avisa d’un singulier expédient. Puisque la foule abandonnait Corneille et Racine et Molière, « pour courir aux farces plates et indécentes des histrions italiens et de l’Opéra-Comique, » on engagea des histrions italiens. Et chaque soir, après la petite pièce, MM. Cosimo, Maranesi et Mlle Bugiani, qui d’ailleurs avaient « de l’expression et une force surprenante dans les jarrets, » égayèrent la représentation de ballets, pantomimes et autres « gargouillades, » selon le mot que laisse échapper l’honnête indignation de Grimm. Nous pouvons au moins nous décerner cette louange que les choses ont changé depuis 1753. En 1879, il n’est besoin, pour attirer le public dans la maison de Molière, ni de danseurs italiens, ni de mimes d’aucune sorte. Jamais peut-être, même au temps de Rachel, même au temps de Talma, les spectateurs ne s’y pressèrent plus nombreux. Grâce à l’habile administration de M. Perrin, c’est une mode aujourd’hui, mieux qu’une mode, c’est, comme on dit, un sport, que d’aller aux mardis de la Comédie-Française. L’occasion est donc opportune : c’est le moment de jeter dans le concert des éloges une note un peu discordante, et, de peur que M. Perrin ne s’endorme sur ses lauriers, c’est le moment de troubler discrètement la sécurité de ses triomphes. M. Perrin sait vaincre : il faut aussi qu’il sache user de la victoire. Personne ne pourrait lui adresser un meilleur souhait de nouvelle année.

Il s’agit du répertoire classique. Je ne sais si M. Perrin subit la loi d’un cahier des charges. Il n’est pas impossible, comme dit Marphurius. Au surplus il n’importe qu’à peine. Les cahiers des charges ne sont plus qu’un vain mot. On le démontre aisément, d’une façon que les géomètres appelleraient élégante, en nommant, — sans plus, — le seul nom de M. Duquesnel, directeur de l’Odéon. La question n’est pas là. Beaucoup de