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Le 3 juillet, de bon matin, Wollassema Awegas arrive au campement avec une grande suite ; il m’informe que les ordres du roi ont été ponctuellement exécutés ; la route nous est ouverte et les Adels se sont engagés à protéger notre caravane ; leurs principaux chefs ont été mandés pour me jurer foi et amitié. Ces chefs en effet étaient réunis en avant de ma tente au nombre d’une douzaine. Wollassema Awegas leur adressa en leur langue un long discours à mon sujet ; ils répondirent avec grand sens qu’ils ne pouvaient être responsables d’un accident qui me viendrait de Dieu, mais qu’ils ne négligeraient rien pour assurer ma sécurité. Après ces déclarations formelles, ils adressèrent une prière à Allah, puis tous ensemble nous prîmes le café. Wollassema Awegas est resté encore une heure à causer avec moi sous ma tente ; tous les chefs adels qu’il m’a présentés ont été placés sous les ordres immédiats de deux mesleniés éthiopiens de l’Argoba, lesquels doivent m’accompagner à une journée de marche au-delà de l’Aouach : c’est pour moi une garantie de plus. Avant de me quitter, Wollassema Awegas me prie de vouloir bien accepter en souvenir de lui une dent d’éléphant qu’il avait fait déposer à côté de mes marchandises ; je le remerciai, et nous nous séparâmes émus.

« Mardi 4 juillet. Nous quittons définitivement le Choa ; la colonne est en marche ; mais les chevaux gallas, vifs comme des cerfs et habitués à la vie sauvage, ont peur de la vue et de l’odeur des chameaux ; ils bondissent et se cabrent. Nous suivons la direction du sud-est. Je savais le cas que je devais faire de Mohamet, obligé de conduire ma caravane, qu’il eût voulu voir s’engouffrer dans le désert. Tout occupé des esclaves qu’il amenait à son noble père, il laissait peu à peu le désordre et l’indiscipline s’introduire parmi les hommes et ne prenait aucun soin des marchandises. A chaque départ, il y avait des retardataires, et presque toujours plusieurs chameaux étaient encore à charger que depuis une heure déjà la tête de la colonne s’était mise en marche. Ces gens-là évidemment étaient d’accord avec Mohamet ; que j’eusse faibli un instant, ils auraient avec intention perdu nos traces, et la caravane se serait fondue comme la neige au soleil. Aussi je ne quittais jamais le campement qu’après m’être assuré par mes propres yeux que le dernier chameau était parti et que rien n’avait été oublié. Quant aux chevaux, j’avais établi pour eux un service spécial sous la surveillance d’un palefrenier en chef ; chacun d’eux pendant la route était conduit par la main ; en arrivant au campement, on leur enlevait les harnais, qu’on rangeait sous ma tente avec les lances et les boucliers ; puis quand les hommes avaient pris leur repas, on les menait au pâturage ; la nuit venue, ils