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les fauves, le lion, le léopard, l’hyène, la panthère noire qui donne de splendides fourrures, le zèbre, la gazelle, l’antilope, puis une foule de bœufs sauvages de toute taille et de toute encornure, le sala, l’agazène, le sanga. L’éléphant abonde, comme aussi l’hippopotame et le rhinocéros, qui recherchent surtout les terrains noyés ou vaseux. Dans les plaines, les autruches se promènent par longues bandes, mais nul ne se doute de la valeur de leurs plumes, ni ne songe à les exploiter. De même les tortues, dont les écailles énormes seraient grandement appréciées chez nous ; là-bas on n’en fait aucun cas. Tels sont en résumé les principaux élémens que le commerce européen trouvera tout d’abord en entrant en Ethiopie ; mais il en est d’autres que développeraient bien vite une culture plus savante ou des exploitations mieux conduites.


II

Vers la fin de décembre, des nouvelles arrivèrent de la côte ; elles n’étaient guère rassurantes. La Turquie venait de céder Zeila aux Égyptiens moyennant un impôt quinze fois plus fort que celui que payait Abou-Bakr au pacha turc d’Hoddeidah, une expédition s’était portée sur Harrar, au sud des Itou Galla ; d’autre part Munzinger-Pacha était à Tedjourrah, son rôle était, comme nous l’avons dit, de soumettre au khédive le pays d’Aoussa, puis de se rendre au Choa en compagnie de Ras Bourrou, qui poursuivait le cours de ses trahisons, et là, sous des couleurs amicales, de chercher à tromper le roi ; mais ils périrent l’un et l’autre, auprès d’Aoussa, victimes d’une surprise. Le khédive alors imagina d’envoyer au roi de Choa une lettre insinuante où il protestait de son désir d’avoir Minylik pour ami ; il annonçait qu’une nouvelle armée égyptienne, bien fournie d’armes et de munitions, allait attaquer Johannès Kassa et venger la défaite du premier corps de troupes envoyé dans le nord ; du reste il ne songeait à s’emparer d’aucune partie du territoire de l’Ethiopie ; son but était seulement de préserver ses propres frontières des incursions d’un mauvais voisin ; en terminant, il donnait rendez-vous à Minylik à Adoua pour conclure avec lui un traité d’alliance et de commerce. De fait le plan du khédive était ingénieux ; il voulait prendre Johannès Kassa comme entre deux feux, l’écraser avec la connivence du roi de Choa, et plus tardj profitant de cet affaiblissement de la nationalité éthiopienne, se retourner contre Minylik ; mais quand sa lettre, après bien des retards, arriva à Choa, la victoire s’était déjà déclarée pour Johannès Kassa.

On a vu comment Minylik, à la première nouvelle de l’approche des infidèles, comprenant bien où cela tendait et que l’union