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seule qui contienne aujourd’hui un quartier de jeunes adultes, et comme cette maison reçoit presque exclusivement les condamnés correctionnels du département de la Seine, nous allons y retrouver la plus grande partie de ces habitués de cabaret et de ces rôdeurs de barrière, à côté desquels nous nous sommes assis tout à l’heure dans leurs repaires. Mais avant de nous y transporter, il faut savoir quelle condition est faite aux détenus de seize à vingt et un ans dans les prisons de Paris.

En vertu d’une organisation déjà ancienne, les prisons de la Seine échappent à la surveillance du directeur de l’administration pénitentiaire et sont groupées sous l’autorité du préfet de police. On n’y retient que les condamnés qui ont encouru une peine s’élevant à moins d’une année d’emprisonnement, et ces condamnés, — je ne parle ici que des hommes, — sont répartis entre trois maisons différentes, la Santé, Sainte-Pélagie et la Grande-Roquette. Quelques mots sur l’organisation de ces maisons où nous ne nous occuperons que de la condition des jeunes adultes suffiront à montrer dans quelle incohérence se débat encore notre organisation pénitentiaire. La Santé est une nouvelle et luxueuse construction du dernier régime. Huit millions y ont été dépensés dans des aménagemens qui auraient pu être moins coûteux sans être moins bien entendus. Malheureusement la Santé a été construite à une époque où le régime des prisons départementales n’était pas encore déterminé par la loi, et ce magnifique bâtiment est en quelque sorte le monument durable des incertitudes administratives. Pour recevoir des condamnés à une peine identique et de même durée, deux quartiers ont été construits d’après les principes de deux régimes entièrement différens : le régime cellulaire et le régime en commun de jour avec séparation de nuit. La distribution des condamnés entre ces deux quartiers était opérée avant la loi de 1875 sur l’emprisonnement individuel par un simple règlement dont les dispositions n’avaient rien que de très judicieux. Aux termes de ce règlement, les cellules devaient être affectées aux détenus qui demandaient à subir leur peine solitairement, aux condamnés pour délits contre les mœurs et aux mineurs. Il y avait donc à la Santé un véritable quartier cellulaire de jeunes adultes. Mais la loi de 1875 ayant fait de l’emprisonnement individuel une prescription légale pour les condamnés à un an de prison et au-dessous, il a été nécessaire d’affecter les cellules de la Santé aux détenus de cette catégorie, dans la mesure où elles pouvaient suffire et en donnant la préférence à ceux dont la détention devait être la plus courte. Il est résulté de cette nouvelle classification qu’un grand nombre de jeunes adultes qui autrefois auraient subi leur peine