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le second, et c’est le contraire qui arrive. Après avoir fait l’objection, Melloni la réfuta aisément. Sans nul doute le thermomètre supérieur rayonne davantage ; mais l’air qui l’enveloppe le réchauffe et se refroidit ; cet air devient plus lourd, il tombe, et il est aussitôt remplacé par une nouvelle couche qui subit le même effet et le suit dans sa descente ; un courant s’établit, qui accumule sur le sol une masse d’air alourdi ; c’est le plus froid qui descend le plus bas, qui s’étale dans l’herbe et sur le terrain, où il demeure immobile : c’est le vernis de froidure. La question de la rosée est maintenant résolue dans ses moindres détails. Résumons-la. Le rayonnement nocturne abaisse la température des objets terrestres, il s’exagère quand la nuit est claire, il cesse quand le ciel est couvert, il augmente avec l’étendue de ciel visible, il est arrêté par les abris. L’air refroidi se répand comme uns sorte de liquide à la surface du sol ; la rosée apparaît quand le degré de saturation est dépassé, et la terre n’est plus qu’un immense hygromètre de Le Roi.

Nous n’avons point parlé de la lune. Joue-t-elle un rôle dans ces phénomènes de la nuit ? Elle y est si brillante qu’on ne se résigne pas à lui refuser quelque vertu. Le préjugé commun lui en attribue trop, et en particulier l’accuse des froids de la rosée et des gelées du printemps. Mais le préjugé commun se trompe ; il ne faut point se lasser de le répéter et de le prouver. Comme la terre, la lune reçoit une provision annuelle de chaleur qui fondrait 32 mètres de glace à sa surface. Comme la terre, elle se réchauffe pendant le jour pour se refroidir pendant la nuit, et, comme le jour lunaire est environ vingt-huit fois plus long que le nôtre, les points que nous voyons reçoivent l’effet du soleil pendant quatorze de nos jours et quatorze de nos nuits, sans interruption ni ralentissement. Comment la lune soumise à un pareil régime pourrait-elle être froide ? Se figure-t-on la température que prendrait la terre si un jour d’été venait à se prolonger jusqu’à devenir égal à quatorze fois vingt-quatre heures ? La lune est donc chaude et même très chaude quand elle illumine nos nuits, si glacées qu’elles soient ; loin de contribuer à ce refroidissement, elle fait ce qu’elle peut pour nous réchauffer, pas beaucoup, j’en conviens, parce qu’elle éparpille dans tous les sens ce qu’elle reçoit du soleil et que la part réservée à chaque point de la terre est fort mince ; mais cette part existe, et les expériences de Melloni l’ont mise hors de doute. D’ailleurs on a prouvé qu’il n’y a point de lumière sans chaleur. Il faut s’y résigner, réduire la lune à ce rôle bienfaisant d’éclairer les nuits sereines, ne l’accuser ni des pluies, ni des désastres de la gelée ; elle en est l’innocent témoin, il n’y a de criminel et de coupable que le rayonnement.