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et aux conspirations, on n’échappe pas aux difficultés. « L’ère des dangers est close, a-t-il dit, celle des difficultés va commencer… donc plus de périls, mais des difficultés et la responsabilité ! .. » Le nœud de la situation, M. Gambetta lui-même l’a nettement défini en montrant que dans la politique à suivre il faudra « considérer ce qui est mûr, ce qui est urgent, ce qui doit attendre, ce qui doit être écarté et ce qui doit être résolument condamné… » M. Gambetta parle ainsi, et il a raison d’ajouter comme le dernier mot de tout, que « les partis ne tombent et ne se perdent que par les fautes qu’ils commettent. » C’est là toute la question du moment. La vérité est que, si l’on ne veut pas recommencer l’éternelle série des fautes toujours prévues conduisant toujours à la même chute, la première condition est de ne pas se laisser aller à l’aventure, de savoir ce qu’on veut et ce qu’on peut, et c’est ici que le gouvernement a une action nécessaire. Ce que font ou ce que disent les chefs de partis dans leur indépendance a sa portée sans doute ; ce que font ou ce que disent les gouvernemens décide de la marche des choses, de la direction d’un régime qui se fonde. Des résolutions les plus prochaines du ministère va dépendre en grande partie ce qui arrivera au lendemain des élections qui, en changeant la majorité du sénat, vont créer une situation toute nouvelle.

C’est compter sans les mouvemens inévitables qui vont se produire et transformer la scène, dira-t-on. Les nouvellistes sont depuis longtemps occupés à prédire ce qui va arriver. Ils savent, à n’en pas douter, que l’ère de régularité définitive et de stabilité assurée par les élections doit être inaugurée par un changement de ministère qui conduira, cela va sans dire, à un certain nombre d’autres changemens, et qui sera suivi, c’est encore plus clair, d’un certain nombre de crises ministérielles déterminées par des incohérences de partis. Ils prennent des bruits insaisissables, des impressions futiles, des présomptions, des craintes ou des espérances pour des réalités. Tout ce qu’on prédit n’est pas encore fait, et s’il y a au contraire une chose sensible, c’est que plus on approche de cette échéance du scrutin où apparaîtra une situation nouvelle, où va s’ouvrir aussi cette « ère des difficultés » dont parle M. Gambetta, plus on sent la nécessité de ne pas se livrer légèrement à l’imprévu, de ne point ébranler imprudemment un pouvoir qui après tout vient de donner une année de paix au pays, qui a préparé par sa modération un scrutin favorable aux institutions républicaines. Les chances de crises ministérielles diminuent peut-être à mesure qu’on avance vers le moment où elles pourraient se réaliser, et à l’heure décisive il n’est point impossible qu’on n’hésite tout à fait. M. Gambetta lui-même n’a pas ménagé récemment les déclarations plus ou moins sincères, plus ou moins calculées de désintéressement. C’est qu’en effet un ministère ayant à sa tête le personnage politique le plus respecté du jour, M. Dufaure, — réunissant autour d’un tel chef des