Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et cela pour le même motif, pour le mal qu’a fait Louis XIV aux réformés. Feu le roi, d’après elle, ne péchait que par ignorance ; s’il avait lu les saintes Écritures, il aurait été plus éclairé, « mais les jésuites et Mme de Maintenon lui ont fait croire que de persécuter les réformés, cela réparerait aux yeux de Dieu et des hommes le double adultère commis avec la Montespan. » Elle-même cependant avait pour confesseur un jésuite ; mais, outre que le confesseur de Madame, selon Duclos, n’était qu’un domestique de plus dans la maison, elle était d’abord bien tombée, et deux de ses confesseurs, le père de Jourdan et le père de Saint-Pierre, lui donnaient raison quand elle leur disait sa façon de penser ; aussi ne disputait-elle pas avec eux. Par contre, elle dispute fort avec le troisième, le père de Linières. « Le confesseur que j’ai maintenant est raisonnable en tout, excepté en fait de religion, où il est par trop simple. Il est tout autre que mes deux précédens confesseurs. Ceux-ci reconnaissent ce qu’il y a dans la religion de bagatelles et de mauvaises choses, mais lui n’en veut pas convenir. Il veut que l’on admire tout, et cela m’est impossible. Je ne veux pas non plus qu’on m’en donne à garder : aussi trouve-t-il que je ne suis pas assez docile. Mais je lui ai avoué tout net que j’étais trop vieille pour croire des niaiseries. » Un jeudi saint, entre autres, revenant de l’église où elle a communié, quelqu’un se met à parler de miracles et raconte que le père de feu M. le dernier prince et Mme la princesse palatine (Anne de Gonzague) s’étaient convertis pour avoir tenu exposé à la flamme d’une chandelle du bois de la vraie croix qui n’avait pas brûlé. Madame dit que ce n’était pas un miracle, attendu qu’il y a en Mésopotamie du bois qui ne brûle pas. Le confesseur se fâche ; Madame, qui a un morceau de ce bois, s’en va le chercher et l’expose au feu, où il devient rouge comme aurait fait un morceau de fer, mais ne brûle pas ; puis elle se met à rire de la confusion du bon père. Lorsque Mme de Ratzenhausen, sa dame de compagnie, l’entendait ainsi disputer avec lui, elle avait coutume de dire : « J’espère qu’avec l’aide de Dieu Votre Altesse Royale finira par donner une bonne éducation à son confesseur. »

Madame a d’ailleurs des motifs plus sérieux d’en vouloir aux jésuites : premièrement les persécutions exercées à leur instigation contre les réformés du Palatinat, dont il a été déjà question ; en second lieu, la vie que mène son gendre, le duc de Lorraine. La duchesse sa fille est malheureuse, le duc a une maîtresse, et le confesseur est encore un jésuite. « Mon confesseur s’est donné une peine infinie pour me persuader qu’il ne se passe rien de répréhensible entre le duc de Lorraine et Mme de Craon, et que jamais il ne la voyait en tête-à-tête. Je lui ris au nez et dis : Mon père, tenez ces discours dans vostre couvent, à vos moines, qui ne voient le monde que par le trou