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elles par les plus emphatiques déclamations. Jusqu’à ces derniers temps, c’est à peine si quelques opéras de demi-caractère s’étaient maintenus sur l’affiche, et malgré le succès qu’ont récemment obtenu la Croix d’or d’Ignace Brull, les Folkunger de Kretschmer, la Reine de Saba de Goldmarck et surtout l’Armin d’Hofmann, il est permis de dire que les principales œuvres de Gounod, d’Ambroise Thomas, de F. David, de Réber et de Bizet sont plus connues de l’Allemagne et s’y jouent plus souvent que celles des auteurs allemands. C’est à relever sur ce point l’art de son pays et à renouer pour lui la tradition interrompue depuis Weber que s’est appliqué un compositeur de notre temps, aussi connu pour son talent que pour l’éclat de ses prétentions. A raison du bruit qui s’est fait autour d’elle, une telle tentative mérite qu’on s’y arrête. Nous essaierons de la caractériser et, en nous tenant à égale distance des séides et des détracteurs de parti pris, nous invoquerons largement, pour l’apprécier, l’appui et l’autorité des maîtres de la critique allemande.


II

Nous n’avons pas à raconter la vie et les débuts de Richard Wagner : l’étude qui lui a été consacrée ici même il y a quelques années[1] nous dispense de ce soin. Mais le caractère et l’importance de la reforme annoncée par lui s’étant depuis ce moment singulièrement accentués, ses œuvres récentes nous permettent d’apprécier plus complètement aujourd’hui la valeur de ses doctrines. Nous rappellerons donc sommairement que Wagner est né à Leipzig en 1813, et que l’attention ne fut guère attirée sur lui que par le succès de Rienzi, donné à Dresde en 1842, et la représentation du Vaisseau Fantôme[2]à Berlin. Dans ces deux opéras, le compositeur suit encore la voie tracée par Weber et Meyerbeer, avec moins de succès qu’eux cependant ; il y a plus de bruit et moins d’idées. Nommé maître de chapelle de la cour à Dresde, Wagner y fait exécuter en 1844 le Tannhœuser, où ses tendances de novateur se manifestent pour la première fois. En 1849, obligé de fuir à cause de la part qu’il avait prise à l’échauffourée révolutionnaire, il s’exile en Suisse et y séjourne plusieurs années. C’est là qu’il compose son Lohengrin, joué en 1850 à Weimar, grâce à l’amitié et au dévoûment de Liszt, alors maître de chapelle de cette ville. L’amnistie lui ayant permis bientôt après de rentrer en Allemagne, le

  1. Voyez, dans la Revue du 15 avril 1889, le Drame musical et l’œuvre de R. Wagner, par M. Ed. Schuré.
  2. Der fliegende Hollœnder, littéralement : le Hollandais volant.