Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 31.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I

Le théâtre, en Allemagne, offre au voyageur une précieuse ressource pour l’emploi de ses soirées. Il y peut trouver, sans grande dépense et sans fatigue, sur la scène ou même dans la salle, le sujet d’intéressantes et faciles observations. D’abord les représentations n’ont point cette longueur qui en écarte souvent chez nous les hommes d’étude ; elles commencent tôt, et à dix heures, au plus tard, elles sont terminées. Dans les petites résidences, des trains spéciaux permettent aux spectateurs venus des localités voisines de regagner leurs foyers le soir même. La simplicité des toilettes et des habitudes favorise singulièrement aussi la fréquentation du théâtre. On s’y rend sans apprêt, en tenue de ville ; des jeunes filles y viennent sous la conduite d’amis ou même seules, et leurs servantes les attendent à la sortie. Les salles de spectacle répondent à cette simplicité. Jusqu’à ces derniers temps, c’étaient des édifices de modeste apparence, d’un éclairage douteux et sans grand luxe à l’intérieur. Les constructions récentes et plus ornées, telles que l’Opéra de Vienne et celui de Dresde, sont loin cependant de prétendre rivaliser avec les dorures et les magnificences de notre grand Opéra. La mise en scène des théâtres allemands est d’ailleurs convenable, et de grands progrès ont été réalisés depuis quelques années sous ce rapport. Avant la guerre de 1870, pour toutes les œuvres importantes qu’on avait à y monter, on devait recourir au talent de nos décorateurs parisiens ; on trouve maintenant à Vienne, à Berlin, à Dresde, à Munich, à Cobourg, des praticiens qui, sans avoir un goût aussi sûr et une aussi complète entente de leur art, possèdent cependant une habileté réelle et se sont acquis une juste réputation.

Si tous ces élémens accessoires d’une représentation théâtrale n’ont pas de l’autre côté de la frontière l’importance et la valeur qu’on leur attribue chez nous, en revanche sur les grandes scènes de l’Allemagne l’interprétation des chefs-d’œuvre des maîtres est l’objet du soin le plus louable. Elle offre un légitime intérêt à tous ceux qui pensent qu’en pareille matière c’est le souci de la musique surtout qui importe. On ne trouve pas toujours, il est vrai, même dans les théâtres les plus renommés, ces ténors dont les appointemens équivalent à une liste civile, ni ces chanteuses, ces étoiles, comme on les appelle, dont les caprices ne sont égalés que par leur ignorance musicale, mais on y voit des artistes aimant leur art, des musiciens consommés, interprètes respectueux des œuvres confiées à leur talent. A côté d’eux, à leur exemple, les rôles secondaires sont