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Itza, courbée sur lui, se releva et murmura quelques mots en indien.

En réponse au regard interrogateur de George, Mercedes dit : — Suivant elle, la crise diminue, elle a été terrible, et une autre peut suivre. Elle insiste pour que je ne le quitte pas. Veuillez prévenir les domestiques qui nous ont accompagnés. — Restée seule avec sa sœur et Itza, Mercedes entama à demi-voix avec cette dernière une conversation qui se prolongea jusqu’au retour de George. — Pour le moment, lui dit-elle, ma présence et celle d’Itza suffisent. Je vous ferai appeler si nous avons besoin de vous. — Carmen comprit et sortit avec George Willis.

L’heure des réticences était passée. George raconta donc à dona Carmen tout ce qui était arrivé depuis leur dernière visite. Au lieu des reproches qu’il attendait, la jeune fille lui témoigna en mots touchans la part qu’elle prenait à son chagrin et la tristesse qu’elle éprouvait à la pensée que sa sœur et elle étaient la cause involontaire de ce malheur. Pourtant elle espérait. Dieu entendrait leurs prières ardentes pour le pauvre blessé et n’ajouterait pas cette nouvelle douleur aux autres. Puis elle expliqua à George que quelques heures auparavant l’Indienne était venue au palais du gouverneur ; elle leur avait fait un récit rapide de ce qui s’était passé. Ce qu’elles avaient compris, c’est que Fernand se mourait et qu’il fallait que Mercedes vînt de suite.

Tout en causant ainsi, ils arrivèrent à la Cour du Nain. George n’y était pas retourné depuis l’accident, il éprouvait une répugnance insurmontable à revoir l’endroit où s’était passé ce drame. Maintenant, avec dona Carmen près de lui, cette impression se dissipait et une curiosité vague lui succédait. Tous deux ils pénétrèrent dans la cour qu’entouraient de trois côtés les hautes murailles en ruines. Il indiqua du doigt à sa compagne l’angle où la façade éboulée avait permis à l’Indienne de gravir le monticule, et il lui retraça la scène dont il avait été le témoin. La statue mutilée du nain se dressait sur son socle : à ses pieds le trou béant, les dalles descellées et brisées attestaient la violence de l’explosion. George expliqua à sa compagne pourquoi Fernand et lui croyaient que c’était bien là l’endroit indiqué par le plan mystérieux. S’étaient-ils trompés ? Tout le faisait croire ; on n’apercevait qu’un amas de pierres et de galets broyés, mais George ne se tenait pas pour battu. Fernand sauvé, il se remettrait à l’œuvre, et il finirait bien par réussir. Tout ce que le temps, la patience et la volonté pouvaient accomplir, ils le feraient. Mais Fernand vivrait-il ? Carmen écoutait en silence ces mots entrecoupés, ces phrases inachevées que l’émotion arrachait à son compagnon. Ni elle ni lui ne voyaient à quelques pas d’eux l’Indienne qui les observait. Lorsqu’ils revinrent près de Fernand, Mercedes veillait seule à son chevet. Il reposait