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reçurent l’ordre de se relayer pour pousser activement ce travail, qui prit plusieurs jours. George et Fernand en surveillaient alternativement l’exécution. La réussite leur paraissait si douteuse qu’ils convinrent d’observer vis-à-vis de dona Carmen, seule au courant de leurs projets, une réserve aussi complète que possible. Ils lui diraient que les fouilles entreprises exigeraient beaucoup de temps, et ils s’attacheraient à calmer son impatience, sans la décourager entièrement. George fut chargé de cette tâche et s’en acquitta de son mieux, bien qu’elle mît son calme habituel à une rude épreuve. Dona Carmen le trouvait plus irritant que jamais : vainement elle cherchait à le faire parler, le déroutant par des questions imprévues, par des suppositions auxquelles il ne savait que répondre. Tantôt il la trouvait triste et découragée, tantôt elle lui reprochait de lui cacher la vérité, puis elle s’accusait et s’excusait. Intérieurement, George en faisait autant, et chaque fois, au retour, il déclarait à son cousin qu’il n’y résisterait pas, que dona Carmen avait raison, que leur silence était absurde, qu’un jour ou l’autre elle pleurerait et qu’alors il parlerait.

Fernand le raisonnait et le remontait. Son grand, son unique souci était d’éviter une déception à dona Mercedes. Plus il la voyait, mieux il l’aimait. Sa résignation, sa fierté, l’élévation de son cœur et de son esprit lui inspiraient une admiration profonde. Les paroles échappées à la jeune fille, les odieuses insinuations d’Harris n’avaient pas ébranlé sa foi, et, dans son regard si pur, il lisait la tristesse, non le remords. Mercedes devinait-elle l’amour dont elle était l’objet ? Absorbée dans ses pensées, elle ne s’interrogeait pas ; n’attendant rien de l’avenir, elle ne lui demandait rien et se laissait aller au courant de l’heure présente sans chercher ce que tenait en réserve une heure inconnue et lointaine. Elle trouvait une grande douceur à le savoir là, à causer avec lui. Un jour viendrait où il partirait ; elle se sentirait bien seule, mais il ne parlait pas encore de départ. Dans sa vie, triste et isolée, elle aurait eu quelques momens moins sombres ; elle était heureuse de sentir que c’était à lui qu’elle les devait, et lui-même, près d’elle, il se prenait à espérer.

Mais lorsqu’au retour Fernand examinait le travail fait, il était repris d’une grande anxiété. Réussirait-il ? Était-ce bien là l’endroit indiqué par le plan mystérieux ? Il le croyait, mais aucun indice ne le rassurait. La pierre dure et lisse, péniblement trouée par le foret, résistait à leurs efforts. Près de lui, la figure grimaçante et sinistre du nain semblait ricaner ; son doigt difforme, démesurément allongé, projetait son ombre sur les dalles avec un geste de défi menaçant.

Enfin tout était prêt. Lamine, creusée en biais, venait aboutir