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Les Athéniens, nous l’avons déjà dit, pouvaient mettre en campagne treize mille hoplites. Ce n’était pas assez pour affronter les Péloponésiens en plaine, c’était plus que suffisant pour les braver dans les eaux de l’Archipel, car, remarquons-le bien, la tactique navale est à la veille d’éclore, non pas avec les combinaisons chimériques et compliquées que trop souvent on lui prête, mais avec les lignes régulières sur la solidité desquelles elle a le droit de compter, avec les mouvemens prévus à l’avance qui peuvent donner à une flotte le commandement sur la flotte ennemie. Les combats corps à corps ne seront dans la guerre du Péloponèse que l’exception ; les combats de choc, conduits avec ensemble, laisseront la victoire aux mains du parti qui aura eu le moins de vaisseaux fracassés. Au début de la plupart des guerres, les adversaires font généralement preuve d’une certaine gaucherie. Le plan manque de part et d’autre on se borne à se molester. Les Péloponésiens, au printemps de l’année 431, fondirent sur l’Attique et vinrent ravager la campagne d’Athènes ; les Athéniens envoyèrent cent vaisseaux dévaster les côtes du Péloponèse. L’année suivante, les mêmes opérations se renouvellent ; le génie de Périclès ici se montre. Quatre mille hoplites ne lui suffisent pas pour assurer le succès des descentes qu’il médite ; il lui faut aussi trois cents cavaliers. Périclès les fait embarquer sur de vieux navires de combat convertis en transports. C’étaient les premiers navires-écuries qu’on eût vus en Grèce[1]. Les territoires d’Épidaure, de Trézène, d’Halia, d’Hermione, toute la côte orientale du Péloponèse, sont mis à sac ; l’Attique, évacuée par les Péloponésiens, est amplement vengée. La peste qui désole Athènes n’a malheureusement pas épargné la flotte. Les Péloponésiens ont fait leur expédition de la Dobrutcha ; ils se retirent épouvantés devant le fléau ; les Athéniens ramènent au Pirée leurs vaisseaux aussi décimés que le fut, en 1854, la flotte de Baltchik.

J’ai déjà signalé l’impuissance de la marine contre une nation qui vit de son sol et non de son commerce, quand l’action de la flotte se trouve strictement limitée à l’occupation de la mer. Les deux campagnes des cent vaisseaux expédiés par Périclès autour du Péloponèse, — Corcyre avait joint à cette flotte athénienne cinquante navires, — nous démontrent en outre la stérilité des descentes opérées avec des forces insuffisantes pour tenir la campagne. Les Péloponésiens ravageaient l’Attique, les Athéniens saccageaient les côtes du Péloponèse ; inutiles dégâts qui ne faisaient qu’irriter les deux belligérans et ne conduisaient pas au grand but de la guerre : à la paix. Lorsqu’une flotte se proposera de débarquer une armée survie territoire ennemi, il faudra qu’elle la débarque assez

  1. Chacun de ces navires portait une trentaine de chevaux.