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point d’appui pour la faction des riches. Les deux gouvernemens ombrageux et rivaux déposèrent un instant leurs inimitiés et l’indépendance des villes de l’Ionie fut le fruit de cette union passagère. Inquiet des progrès de Cimon dans les eaux de la Cilicie, le fils de Xerxès abandonna par un traité solennel les droits qu’il s’était jusqu’alors arrogés sur les colonies de la Grèce en Asie.

Cimon mourut à Chypre pendant le cours d’une dernière expédition. Sa mort laissait la place libre à Périclès, qui lui avait jusqu’alors disputé, avec des phases diverses, le pouvoir. La multitude a ses caprices ; si volage qu’elle soit, elle n’en peut pas moins rencontrer un maître. Seulement il faut que ce maître soit constamment heureux et constamment adroit. Périclès jouit, pendant près de trente ans, de ce double privilège. Avant d’être homme d’état, on devait, dans la république athénienne, être marin. Athènes eût dédaigné un chef qui n’eût point été en mesure de commander ses flottes. Orateurs, philosophes, citoyens, tous, dans la cité de Minerve, apprenaient, dès l’enfance, à manier l’aviron ; la plupart étaient de force à remplir les fonctions de pilote. Fils de marin, — Xantippe, son père, commandait la flotte athénienne au combat de Mycale, — Périclès paraît avoir été lui-même un homme de mer consommé. Il conquit l’Eubée, établit la démocratie à Samos et soumit Mégare. La prospérité de la république ne fut pas uniquement son ouvrage ; il en doit partager l’honneur avec Thémistocle, avec Aristide et avec Cimon ; mais, si le fils de Xantippe n’eût point su caresser avec tant d’adresse le lion populaire, flatter dans la multitude les nobles penchans, éveiller dans toute âme l’amour de la gloire, l’orgueil de la cité, les chefs-d’œuvre de l’art n’auraient jamais rempli la ville de Minerve, et on ne dirait point aujourd’hui, pour caractériser une des plus grandes époques de l’esprit humain : le siècle de Périclès.

Nous tenons de Périclès lui-même l’exposé minutieux de la puissance financière dont son administration sage et prévoyante avait réussi à doter la république. C’est par cet exposé qu’il décida, quatre ans avant sa mort, les Athéniens à braver les menaces de la Grèce conjurée. Le trésor déposé dans l’Acropole avait renfermé un instant 54 millions de francs. Périclès sut faire comprendre au peuple qu’il y avait excès de précaution à garder inactive une pareille réserve. 20 millions furent employés à donner aux dieux un asile digne des dieux d’Athènes, au peuple athénien les monumens publics dont peut difficilement se passer un peuple habitué à traiter les affaires de l’état en plein air. Les intérêts de la marine ne furent pas oubliés, car la marine n’était pas seulement la grandeur, elle était la sécurité d’Athènes. Trois cents trières, prêtes à prendre la mer, remplirent bientôt les ports de la république. Une galère de