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L’université pâtit la première de ce fardeau qu’elle traîne après elle. Aux objections contre l’internat, on entend souvent faire cette réponse qu’il est dans nos mœurs et que l’université le subit sans en être responsable. Cependant on peut voir par certaines dispositions qu’à diverses époques l’université a été, plus que de raison, préoccupée d’augmenter le nombre de ses internes. Quand une ville demande l’établissement d’un lycée, il est naturel d’exiger qu’elle fasse les dépenses de construction et d’appropriation nécessaires, qu’elle fournisse le mobilier et les collections indispensables. Ainsi l’a ordonné l’article 73 de la loi du 15 mars 1850. Mais comment, dans la pratique, l’université a-t-elle interprété cet article ? Un arrêté du 21 avril 1860 exige des villes le mobilier pour un pensionnat de 240 internes. Si une partie de cette somme était employée ; à subventionner des chaires, à augmenter le traitement des professeurs, l’enseignement des collèges s’en trouverait mieux, et sans doute les villes feraient-elles plus volontiers la dépense. Le moment serait bien choisi : on n’a pas assez compris jusqu’à présent quel stimulant le volontariat d’un an peut devenir pour l’extension des établissemens scolaires. Le rapport du ministre le constate déjà : « En raison, dit-il, des avantages assurés par la nouvelle loi sur le service militaire aux jeunes gens pourvus du diplôme de bachelier ou de celui de l’enseignement spécial, les administrations municipales ont rivalisé d’ardeur pour développer et fortifier l’enseignement dans leurs collèges, de manière à conduire les élèves Jusqu’à ces examens. Il en est résulté une augmentation du nombre des collèges de plein exercice[1]. »

Une autre observation que suggère la statistique officielle concerne la préparation et le recrutement du personnel enseignant. On est frappé de la faible part pour laquelle l’École normale a de tout temps contribué au recrutement de l’université. Nous ne songeons pas à lui en faire un reproche : nous voulons seulement attirer la sollicitude de l’état sur le nombreux contingent de professeurs qui ne passe point par cette voie, et qui, la plupart du temps, ne reçoit pour une carrière si difficile aucune préparation particulière. Sur 348 élèves sortis depuis dix ans de l’École normale, 4 seulement sont placés dans les collèges communaux de province. Dans ces mêmes collèges, sur 1,707 maîtres délivrant l’instruction classique (c’est-à-dire enseignant le grec et le latin), 746 n’ont d’autre grade que celui de bachelier es lettres ; la moitié des principaux de collège est dans le même cas. Quoique nous soyons prêt à reconnaître qu’on peut être bon principal et bon professeur sans posséder

  1. Statistique de l’enseignement secondaire, p. LXXIV.