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relèverait la condition des filles, vînt nous affranchir du tribut payé aux dentelles de Malines, au point d’Angleterre ou de Venise ! .. Rappelons-nous ce que Voltaire, un seul homme après tout, a pu faire du misérable hameau de Ferney, et demandons-nous s’il est absolument impossible de suppléer au génie par un peu d’argent, beaucoup de persévérance et de bon sens ? » A Paris, on objectera peut-être la variété des états ; mais il ne s’agit que d’initier les élèves au maniement des outils généraux, qui se laissent ramener à un petit nombre : le modelage, le travail au tour, à l’établi, à la forge et à l’étau. Quant aux écoles de la campagne, l’apprentissage y prendrait un caractère agricole : on y ferait des études sur le sol, les productions, le bétail et l’élevage, les engrais, les irrigations et le drainage ; sur l’usage, la réparation, la fabrication des instrumens spéciaux ; sur les constructions rurales, sur l’hygiène des hommes et des bêtes, et sur les débouchés des produits.

Un tel enseignement, poursuivi de douze à quinze ans, aurait pour effet de guider l’enfant dans le choix d’un état, choix qui aujourd’hui se fait presque au hasard, après une période de tâtonnement et de vrai vagabondage, d’après une circonstance de voisinage ou quelque rencontre fortuite. En outre, il abrégerait le temps de l’apprentissage, qui serait réduit pour beaucoup d’un quart, et pour quelques-uns de la moitié. Une pensée semblable a inspiré un projet de loi dû à l’initiative de M. Martin Nadaud, concernant des écoles manuelles d’apprentissage qui pourront être adjointes aux écoles primaires.

Mais d’autre part un certain nombre d’esprits distingués pensent que l’école doit être consacrée à l’éducation générale, qu’elle doit élever l’homme avant de préparer l’ouvrier, et qu’elle aura rempli sa tâche si elle a ouvert et assoupli l’intelligence, exercé le jugement, formé le caractère et muni le cœur de solides principes. L’apprentissage après l’école : autrement on n’aura ni l’école, ni l’apprentissage. D’ailleurs l’enseignement n’a plus aujourd’hui le caractère abstrait qu’on a pu lui reprocher autrefois : par les connaissances précises et techniques qu’il donne, il est la meilleure préparation à toutes les professions.

Nous n’avons pas la prétention de décider une question aussi délicate. Toutefois nous dirons franchement que nous nous rallions à la première opinion, non pour des raisons théoriques, mais d’après des faits d’expérience. L’enseignement primaire supérieur n’est pas absolument une nouveauté ; il s’est donné, il se donne encore aujourd’hui dans quantité d’établissemens plus ou moins bien dirigés, tant laïques qu’ecclésiastiques. Tout le monde a pu lire, soit dans les annonces des journaux, soit sur les murs des maisons, ces