Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/588

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Sont l’exécration de tout le genre humain.
Les affronts qu’on leur fait ont de si justes causes !
LONGUEMAIN.
Trois carrosses roulans rajustent bien des choses.


Voici maintenant un inventeur tout plein de son invention. M. Boniface a renouvelé, perfectionné, embelli, transformé en œuvres d’art, une chose jusque-là fort déplaisante… Quoi donc ? Les billets mortuaires. Il y met des ornemens, des agrémens, emblèmes et devises qui réjouiront la vue et attireront les amateurs. Sa fortune est faite, si le Mercure veut bien lui prêter le secours de sa plume :

Je vendrai ces billets trois louis d’or le mille ;
Et si l’année est bonne et fertile en trépas,
Je crois gagner assez pour ne me plaindre pas.
La grâce que j’espère et qui m’est importante,
C’est un peu de secours d’une plume savante ;
Et la vôtre aujourd’hui par son invention
Met ce que bon lui semble en réputation.
Pour être dans le monde illustre à juste titre
Il faut dans le Mercure occuper un chapitre.


« Parlez donc, monsieur, de mes lettres mortuaires. Faites là-dessus un long article. Démontrez à vos lecteurs qu’ils doivent renoncer aux billets du commun ; il faut, je vous en supplie,

Leur bien représenter qu’il y va de leur gloire ;
Qu’on revit dans les miens mieux que dans une histoire ;
Le prouver par raisons ; et leur faire espérer
Qu’ils auront du plaisir à se faire enterrer. »


Après cet inventeur lugubre arrivent les fous et les folles. Il y en a de toute espèce, les uns très ennuyeux, les autres assez divertissans. Le style de l’auteur ressemble à ses personnages ; il va et vient, léger, facile, un peu vulgaire, sauf en de rares occasions où quelque subit élan le redresse. Parfois, sans que l’expression prenne du relief, le dialogue a une certaine désinvolture. Ainsi dans la scène d’Oriane et d’Élise. Le Mercure a publié un article sur la loquacité des femmes. Aussitôt deux lectrices du Mercure, deux sœurs, Élise et Oriane, ont fait serment d’apprendre le grand art de se taire. Entre elles désormais, c’est à qui se taira le plus. Elles rivalisent d’efforts à ce sujet. Un débat s’engage : laquelle des deux a mérité le prix ? C’est le rédacteur du Mercure qui en décidera. Elles arrivent donc chez Oronte, et, comme elles veulent chacune exposer le litige, elles parlent, parlent, croisant si bien leurs ripostes que le dialogue devient un duo, et le duo une cacophonie. C’est un de ces jeux de théâtre qui prêtent à la dextérité des