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chaque industrie. L’état intervient ensuite pour donner à ces règlemens force obligatoire comme au moyen âge. L’état a pour mission de garantir les droits de chacun. Il protège la propriété foncière. Par les bureaux d’hypothèques, il donne pleine sécurité aux créanciers. Par les tribunaux de commerce, il permet de trancher rapidement tous les litiges commerciaux. De même il doit protection à la propriété de l’ouvrier, qui consiste dans son travail. Il faut qu’il défende la force et le temps du travailleur (Arbeitkraft und Arheitzeit) contre les iniquités de « la loi d’airain, » qui, après avoir usé et abusé de ses muscles, l’abandonne, quand il est vieux et usé, sur le grabat de la misère.

La durée de la journée de travail doit être réglée par l’état, et tout travail interdit le dimanche. L’homme n’est pas une machine. Il est l’image de Dieu, qu’il doit apprendre à connaître et à servir. Donc il lui faut quelques heures de loisir. On en donne bien aux bêtes de somme. Le repos du dimanche est commandé par l’hygiène non moins que par la loi divine.

L’état doit fixer le taux des salaires. On objecte la liberté des contrats; mais elle ne peut pas aller jusqu’à porter atteinte aux moyens d’existence de l’ouvrier. La loi de l’offre et de la demande règle le prix des marchandises, c’est vrai; mais l’aptitude au travail, l’Arbeitkraft de l’ouvrier, n’est pas une marchandise : c’est sa vie même, c’est tout son être. Il faut ici une protection non moins efficace que celle qu’on accorde au rentier, qui touche régulièrement son trimestre. Le maître dit : L’ouvrage ne va pas, pour vendre, je dois baisser mes prix, donc je réduis le salaire; et il en offre un qui n’est pas suffisant pour vivre. Que peut faire l’ouvrier isolé? Mourir de faim ou demander l’aumône. Ces extrémités révoltent les sentimens de justice et d’humanité. L’état doit y mettre un terme. — Le chanoine trouve ici des accens dignes des pères de l’église; mais il néglige de dire comment l’état peut forcer le fabricant à payer un salaire qui le met en perte et comment il lui ouvrira des débouchés quand ses produits encombrent ses magasins? Le seul moyen est de forcer les consommateurs à acheter à un prix rémunérateur. Et si les consommateurs sont aussi gênés que les fabricans? Il reste à dire alors que c’est la faute de la société.

Il faut, d’après M. Moufang, qu’une loi interdise le travail des femmes et des enfans. On croit qu’il augmente les ressources des familles; les ouvriers eux-mêmes se l’imaginent. C’est une erreur. Un certain nombre d’heures de travail est indispensable pour un certain produit. Si elles ne sont pas exécutées par des femmes et par des enfans, elles le seront par des hommes, et le salaire qu’elles exigent sera plus élevé et se partagera également entre les ouvriers. D’après la loi de nature, que consacre le christianisme, l’homme