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que rencontre l’organisation de ce genre de société. Les ouvriers français les ont parfaitement signalées dans leur dernier congrès en 1876.


II.

Des idées aussi élevées, émises par un prélat aussi éminent et développées d’ailleurs avec une incontestable éloquence, devaient produire une profonde impression sur le clergé catholique allemand. La charité chrétienne le poussa sans doute à leur faire bon accueil ; mais comme il ne tarda pas à les exposer aux électeurs du suffrage universel, il est permis de croire qu’il y vit le moyen de trouver des alliés parmi les ouvriers dans sa lutte contre le gouvernement. Le Kulturkampf et les lois de mai ayant poussé le clergé à bout, il n’hésita pas à tendre la main aux socialistes. Tout un programme de réformes catholico-socialistes fut élaboré. Un prêtre instruit et orateur habile, chanoine de la cathédrale de Mayence, le Domcapitular Moufang, l’exposa dans une réunion électorale le 27 février 1871. C’est tout un exposé de principes économico-religieux. Comme c’est le Credo du parti, il importe de le faire connaître avec quelques détails.

Le chanoine Moufang part des faits qu’il considère comme démontrés par son évêque. Le salaire des ouvriers est insuffisant. Leur condition n’est pas ce que l’humanité et le christianisme exigent qu’elle soit. Le mal vient de l’application de « la loi d’airain » de Ricardo. Le self-help est impuissant. La charité catholique même ne suffit pas à l’immensité de la tâche. Il faut donc que l’état intervienne. Mais comment l’état peut-il porter remède à un mal qui semble résulter des lois économiques? Le chanoine n’hésite pas à énumérer quatre moyens : par la protection des lois, par des secours d’argent, par la réduction des charges fiscales et militaires, enfin et surtout en limitant la tyrannie du capital. Voici comment M. Moufang explique chacun de ces points, qui au premier abord ne manqueront pas d’intriguer et même d’inquiéter un peu les économistes. 1° L’état ne doit point organiser le travail par une loi générale. C’est aux ouvriers à former des associations, à édicter des règlemens et une constitution du travail dans chaque métier, dans