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dimanche dernier. Le lendemain est mort un gros monsieur ***, mêlé à tous les tripotages des trente dernières années et plus riche que trois ducs et pairs, « en choisissant parmi ceux qui ont le moins de dettes. » Le contraste prête au développement. Boursault s’y lance bride abattue. Il écrit, il écrit, la plume court, prose et vers s’alignent sur le papier, la fable est achevée tant bien que mal, puis enfin, n’ayant pas le temps de poursuivre, car le grand laquais s’impatiente, il clôt brusquement sa lettre : « Au reste, monsieur, quand j’aurais de plus agréables nouvelles à vous mander, votre laquais ne me donnerait pas le loisir de vous les apprendre. Il me soutient qu’il est plus d’une heure, et, de peur que je n’hésite à le croire, je l’entends qui en jure sur son honneur. C’est m’avertir qu’il est temps de vous jurer sur le mien que personne n’a jamais été et ne sera jamais avec plus de respect et d’attachement que moi, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. »


II.

Les gazettes que nous venons de parcourir appartiennent presque toutes aux années 1665 et 1666. C’est le centre même de la période batailleuse dans la vie de Boursault. En 1663 il a écrit le Portrait du peintre, et Molière s’est vengé de lui dans l’Impromptu de Versailles; en 1667 il a reçu de Boileau un coup de pointe et il a essayé de prendre sa revanche par la Satire des satires. Eh bien ! ce qui me frappe dans toutes ses missives de 1665 et des années suivantes, c’est qu’il n’y est jamais question ni de Molière, ni de Boileau. Cependant l’occasion était belle. Soutenu par la faveur de tant de grands personnages, le correspondant de Condé, de la duchesse de Montpensier, de la duchesse d’Enghien, de M. de Fieubet, aurait bien pu se servir de ses journaux pour donner cours à ses rancunes littéraires. Non, il n’avait pas de rancunes. Vous chercheriez en vain dans ses premières lettres la moindre allusion aux violences de Molière, aux rigueurs de Boileau ; et plus tard, quand il prononcera leurs noms dans une autre série de lettres, ce sera pour glorifier leur génie et rendre hommage à leurs bonnes actions. Nul homme au XVIIe siècle n’a été moins entaché que Boursault de ce vice ridicule et odieux appelé trissotinisme.

Aussi éprouve-t-on quelque surprise de rencontrer dans un de ses romans, daté à peu près de ce temps-là, des sentimens d’hostilité contre Racine, sentimens de parti pris, cela est manifeste, et qui ont l’air de s’adresser moins à Racine lui-même qu’à l’ami de l’auteur des satires. Nous avons quatre romans de Boursault : Artémise et Poliante, publié en 1670, le Marquis de Chavigny, mis