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spécial, souvent intermittent, de la partie ou de l’organe. La contractilité de ces capillaires est mise en jeu par les nerfs vaso-moteurs, et ceux-ci ont des centres distincts et multiples, d’où partent des actions distinctes et multiples, comme le sont les réseaux qu’elles régissent. Il y a donc un cœur central qui gouverne la circulation générale; il y a aussi comme des cœurs périphériques réalisés dans ces réseaux capillaires, organes obscurs des circulations locales, régis par une innervation propre, et qui font que chaque organe, chaque partie peut se vasculariser, se congestionner ou s’anémier, sans que la circulation générale subisse aucun trouble. Ces circulations locales, un célèbre clinicien. Graves, les avait déjà reconnues, et ses Leçons cliniques contiennent d’admirables pages à ce sujet; on aurait tort de les oublier; elles montrent ce que peut l’interprétation fidèle de ces expériences que la nature accomplit incessamment sous nos yeux dans l’évolution des maladies. Mais à Claude Bernard reste l’honneur d’avoir fourni la connaissance complète et scientifique de ces circulations, en les rattachant à une innervation spéciale; à cette innervation revient, en définitive, la mise en action des circulations locales, et c’est, par suite, au système nerveux qu’il faut s’adresser pour les exciter ou les refréner.

Ai-je besoin de dire le retentissement qu’obtenaient en pathologie de telles découvertes? Les théories de la fièvre, des inflammations et des hypérémies, s’en trouvèrent comme renouvelées; quelle maladie, par suite, échappait aux interprétations nouvelles? Quelle maladie arrive à se réaliser autrement que par la fièvre, l’inflammation ou l’hypérémie? Les névroses à peine se dérobaient; sauf certains troubles nerveux, presque tous les symptômes morbides reconnaissaient une explication plus ou moins appropriée dans un trouble des nerfs vaso-moteurs. L’entraînement devint général, et ce fut comme une mode d’invoquer à tout propos l’action vaso-motrice. En vain Claude Bernard, qui redoutait plus qu’un autre ces applications faciles et superficielles de la physiologie, essayait-il de réagir contre ces explications abusives et ces invasions d’hypothèses; en vain des médecins, d’une sagesse plus réservée, essayaient-ils de montrer le vide de certaines interprétations que l’observation clinique était loin de confirmer; les jeunes théoriciens écoulaient mal ces avis de l’expérience et n’en invoquaient pas avec une complaisance moins persistante les troubles de l’innervation vasculaire. Ces entraînemens, loin de témoigner contre la grandeur de la découverte, prouvent l’impression profonde qu’elle produisit. Désormais ces théories capitales de la fièvre, de la fluxion, de, l’hémorragie, doivent tenir compte, avant tout, de la double innervation vaso-motrice; si celle-ci n’explique pas tout, elle explique