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se maintient assez élevée pour offrir sur celle du côté opposé un excès de chaleur de 15 à 20 degrés.

Cette suractivité d’une région vivante doit-elle être considérée comme un accroissement absolu de l’activité fonctionnelle que peut dépenser l’organisme? Non, et Claude Bernard montre que ces phénomènes de suraction sont compensés dans quelque autre partie ou dans toute l’économie par des phénomènes inverses. Il semble, dit-il, que l’organisme ne puisse disposer que d’une dose limitée d’une propriété donnée, et que lorsque cette propriété s’exerce plus activement dans un point, elle doit diminuer dans un autre par une sorte de compensation ou de transformation. Lorsque par suite de la section du sympathique la température d’une oreille s’élève, la température de l’autre oreille s’abaisse. Il en est de même pour la pression du sang, qui, en même temps qu’elle augmente du côté opéré, diminue du côté sain. Observation à grande portée et qui montre à quel point Claude Bernard savait retourner les faits, les mesurer dans tous les sens, et saisir l’équilibre délicat des phénomènes de la vie.

La suraction fonctionnelle qui succède à la section du grand sympathique est un témoignage que l’action de ce nerf est une action modératrice et de frein. Lorsque l’action du nerf est supprimée, il y a un entraînement de toutes les actions vitales de la région. Une action inverse doit provoquer des effets contraires. Si au lieu de détruire le nerf et de supprimer son action, on l’excite, si on le galvanise par son bout périphérique, non-seulement tous les effets de la section s’effacent, mais le tableau opposé se dessine. La vascularisation de ce côté de la face tombe au-dessous de la normale, la circulation faiblit, la température s’abaisse, toutes les ouvertures se relâchent, les yeux perdent toute vivacité et s’enfoncent dans l’orbite, les narines s’immobilisent, les lèvres s’entr’ouvrent inertes, les joues se creusent: la face, en un mot, prend un aspect cadavérique. Telle est la contre-épreuve de la section du sympathique, et elle est aussi éloquente que la section du nerf.

Que prouve cette action reconnue du grand sympathique, et comment agit-elle pour déterminer, soit une suraction vitale lorsqu’elle est supprimée, soit une diminution de la vitalité lorsqu’elle est excitée? Le grand sympathique régit l’innervation vasculaire, et par là il règle la circulation capillaire et tous les phénomènes qui s’y rattachent. Les vaisseaux sont contractiles; cette contractilité est sous la dépendance du grand sympathique. Si ce nerf est excité, les vaisseaux se contractent, la région s’anémie, la température s’abaisse ; si le nerf est paralysé, les phénomènes opposés se produisent. Il y a donc une innervation vaso-motrice, et, à considérer l’action propre du grand sympathique, on peut le qualifier de nerf vaso-constricteur;