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curare, ne modèrent plus et ne règlent plus l’apport du sang; le frein manque à la circulation de l’organe, et celui-ci se trouve dans les mêmes conditions que si le plancher du quatrième ventricule eût été piqué.

Je dois renoncer à aller plus loin dans cette histoire à grands traits de la glycogénie animale. Je renonce à montrer ce que les contradictions (quelle découverte n’a les siennes!) ont provoqué d’efforts chez Claude Bernard, et comment elles ont contribué à l’agrandissement et à l’affermissement de tout ce monde de faits nouveaux. Le tableau que je viens de tracer, quoique bien incomplet, semblera peut-être trop développé, et pourtant, lorsqu’il s’agit d’une telle œuvre, ne faut-il pas essayer d’en faire comprendre l’étendue et la profondeur?


III.

Quand même Claude Bernard n’aurait pas écrit les lois de la glycogénie animale, il demeurerait encore, par ses autres travaux, le chef de la physiologie moderne. On lui doit en effet la découverte de la double innervation vaso-motrice; cela suffirait à le mettre hors de pair. Le génie expérimental du maître éclate ici d’autant plus net et clairvoyant qu’il explore un terrain où d’autres ont passé, et qu’il reprend des expériences vieilles de plus d’un siècle.

Dès 1720 Pourtour du Petit et, depuis lui, plusieurs physiologistes avaient sectionné le cordon cervical du nerf grand sympathique. Qu’avaient-ils observé comme résultat? Le resserrement de la pupille du côté correspondant et quelques autres phénomènes accessoires. Claude Bernard pratique cette même opération; que de choses capitales il sait voir, que ses devanciers, placés en face des mêmes faits, n’avaient pas vues ! C’est toute la circulation, c’est la nutrition, c’est même la sensibilité et la vitalité générale de toute la moitié de la tête correspondant au nerf sectionné, qui se trouvent profondément modifiées. Tout ce côté de la face devient plus chaud, plus vasculaire; l’activité circulatoire est accrue au point que la pression du sang a considérablement augmenté non-seulement dans les capillaires, mais encore dans les artères élargies de la région. Avant la section du sympathique, le sang sort par une veine ouverte noir et en bavant; après la section du nerf, le sang sort rutilant et en jets saccadés. La pulsation passe des artères dans les veines, à travers les capillaires dilatés. La température de la région s’élève ; dans la saison froide, la température des oreilles du lapin est de 15 degrés; après la section du sympathique, la température