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ferment glycosique qui transforme l’amidon hydraté en glycose; il y a dans le liquide intestinal un ferment saccharosique, appelé par Claude Bernard ferment inversif de l’intestin grêle, qui aide surtout à la transformation du sucre alimentaire. Parallèlement à ces fermens, il y a la diastase hépatique qui transforme le glycogène amylacé.

La production de la matière glycogène dans le foie constitue, suivant Claude Bernard, l’acte vital de la fonction glycogénique; la transformation en sucre de la substance glycogène au moyen de la diastase hépatique, c’est l’acte chimique de la fonction. Ces actes sont en quelque sorte inverses, ajoute-t-il: l’un, la production du glycogène, est un phénomène de synthèse ou de création organique; l’autre, la production du sucre, est un phénomène de destruction ou de désorganisation. Ces deux caractères opposés se rencontrent dans tous les actes de la vie quels qu’ils soient : la création organique c’est la vie elle-même; la désorganisation, c’est la mort incessante et cachée qui accompagne toute vie.

Ainsi s’expliquent ces faits étranges de la production du sucre après la mort, dans un foie détaché de l’organisme, ou dans un foie soumis à un lavage intérieur. La transformation de la matière glycogène en glycose est un acte purement chimique ; pourquoi ne s’opérerait-il pas après la mort, comme pendant la vie? C’est la formation de la matière glycogène que la vie accomplit et que la mort interrompt. Tant qu’une portion de cette matière formée pendant la vie et par la vie subsiste, elle peut se transformer et devenir glycose. On enlève tout le glycose du foie; mais la matière glycogène et le ferment diastasique y subsistent; peu après, une portion de cette matière subit l’action du ferment, et le sucre reparaît; et ainsi de suite, jusqu’à épuisement complet de la matière glycogène.

La découverte du glycogène animal a modifié complètement les idées reçues sur la production des matières amylacées. Jusqu’alors on croyait ces matières caractéristiques du règne végétal ; Claude Bernard vient et montre qu’elles appartiennent aussi au règne animal. Ainsi s’efface cette séparation entre les conditions nutritives propres aux deux règnes ; ceux-ci se nourrissent des mêmes élémens. Claude Bernard, poursuivant l’étude des phénomènes communs aux animaux et aux végétaux, effacera plus tard bien d’autres différences et montrera l’identité des caractères essentiels de la vie sous ses deux grandes formes, celle du végétal et celle de l’animal. Les plus hautes questions de physiologie générale se rattachent ainsi à la glycogénie animale.

A quoi servent le glycogène, et le sucre qui en provient? A la nutrition de l’animal, sans aucun doute. Les phénomènes de nutrition, et par conséquent ceux de la vie, sont impossibles sans formation