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milieu des champs. Cette école de Feltham est au reste un petit monde qui se suffit à lui-même; l’école n’a pas seulement sa chapelle, elle a aussi son cimetière où sont couchés côte à côte, sous des tombes de gazon sans épitaphes et sans croix, les petits êtres qui sont venus y trouver le terme prématuré d’une existence de privations et de misère. Je remarquai dans ma visite qu’une de ces tombes sans nom était surmontée de deux gros coquillages ; je demandai l’explication de ce singulier ornement, et il me fut répondu que la mère de l’enfant avait envoyé tout récemment ces coquillages de Londres en demandant expressément qu’ils fussent placés sur sa tombe, touchant et dernier emblème de tendresse, de regret et peut-être de remords.

L’école de Feltham n’a donné en trois ans qu’un chiffre de 8 pour 100 de récidives, et c’est là un résultat assurément satisfaisant, si l’on considère que cette éducation s’applique à des enfans de Londres, qu’on est obligé de disputer au lendemain de leur libération à l’influence déplorable de leur famille. Mais ce n’est point en consultant la statistique de quelques établissemens bien tenus qu’on peut se faire une idée exacte du résultat général de l’éducation donnée dans les écoles de réforme et dans les écoles industrielles. Il faut considérer ces résultats dans leur ensemble et au point de vue de leur influence sur la criminalité générale. Cette éducation se termine, d’après la loi, à seize ans, parfois même avant, si les enfans sont mis en liberté provisoire, et c’est là un terme qui peut paraître bien rapproché. Quatre mille soixante-quatorze enfans, garçons et filles, ont été ainsi libérés dans la dernière année statistique, tant des écoles industrielles que des écoles de réforme. Sur ce nombre, cinq cent quatre-vingt-dix sont entrés dans la marine, soixante-huit dans l’armée, comme musiciens, cent cinquante-quatre ont émigré, dix-huit cent vingt-trois ont été placés, les autres sont retournés dans leur famille. En Angleterre comme en France, c’est avec la famille qu’est la grande lutte, et des statistiques particulières tenues avec soin par quelques établissemens montrent que ce sont presque toujours les enfans réclamés par leurs parens qui succombent. Pour suppléer au défaut du casier judiciaire qui seul pourrait donner des renseignemens certains, voici comment on procède. Chaque établissement est tenu pendant trois ans de fournir aux inspecteurs des renseignemens sur chacun des enfans libérés de cet établissement. À cet effet un livre est tenu (généralement par le chapelain), appelé : book of discharge ; sur ce livre, établi par ordre alphabétique, une sorte de compte moral est ouvert à chaque enfant; le motif de sa condamnation, ses antécédens, ceux de sa famille, sa conduite pendant son séjour à l’école, tout y est inscrit; puis