Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Angleterre des personnes compétentes pressent les administrations paroissiales d’entrer de plus en plus résolument dans cette voie où quelques-unes se sont déjà engagées, mais avec hésitation. Il n’y avait en effet, à une date récente, que deux cent quatre-vingt-sept enfans ainsi placés sous la surveillance de trente-trois comités. L’opinion anglaise est d’ailleurs loin d’être unanime sur les avantages du boarding out system, auquel le bureau du gouvernement local paraît jusqu’à présent peu favorable. Les objections très fortes qu’on fait à ce système m’étaient ainsi résumées par un inspecteur : We heve not your beautiful peasantry. On ne rencontre en effet en Angleterre qu’à l’état d’exception ces familles de paysans probes, économes, laborieuses, acharnées à la mise en valeur de leur petit coin de terre, dont la prospérité incontestable constitue une des meilleures réponses qu’on puisse faire aux détracteurs passionnés de notre état social. Les enfans qu’on placerait en Angleterre dans une famille de paysans se trouveraient le plus souvent associés à une existence sinon de misère, du moins de privation, où les conditions de moralité ne sont même pas toujours très satisfaisantes. Quelques chiffres donneront à ce sujet des indications intéressants. La proportion des enfans naturels est moins considérable en Angleterre qu’en France; elle est de 5 pour 100 dans le premier de ces pays et de 7 pour 100 dans le second, différence qui ne doit pas être uniquement attribuée à des raisons morales, les formalités excessives dont notre législation fait précéder les cérémonies du mariage y entrant, j’en suis persuadé, pour beaucoup. Mais ce qui est curieux à constater, c’est la façon dont les naissances naturelles se répartissent dans les deux pays. En France, les gros chiffres sont fournis par les villes, Paris en tête, où la proportion des enfans naturels s’élève jusqu’à 33 pour 100. Ce qui rétablit l’équilibre, c’est le chiffre relativement faible des naissances naturelles dans les campagnes. En Angleterre c’est précisément le contraire; les gros chiffres sont fournis par les campagnes, et les chiffres faibles par les grands centres. Ainsi la ville de Londres donne une proportion de 3 pour 100, le district manufacturier du Lancashire une proportion de 4 pour 100, tandis que les comtés agricoles du Westmoreland, du Norfolk, du Shropshire donnent une proportion de 7 et 8 pour 100, autrefois de 10 et 11 pour 100. On comprend qu’en présence de cet état de choses la pensée de placer des enfans dans des familles de paysans soulève en Angleterre la même nature d’objections que si l’on venait proposer en France de les placer dans des villes manufacturières.

Je ne crois donc pas que les deux pays qui font l’objet de cette étude comparative aient à se faire des emprunts utiles dans les