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masures en ruine, rôdant en guenilles dans le brouillard et cherchant leur vie aux dépens de la charité des passans ou au détriment de leurs poches. Ce n’est pas à dire cependant que, dans une ville aussi vaste que Londres et qui renferme encore tant de misères, le vagabondage et la mendicité des enfans aient complètement disparu; mais un ensemble de mesures législatives vigoureuses et bien conçues, se combinant avec une intervention très active de la charité, a certainement réduit ce mal aux moindres proportions qu’il puisse atteindre dans une aussi grande ville. Quelle est la nature de ces mesures et quels en sont les résultats? C’est ce que je voudrais rechercher dans cette étude, dont la première partie sera consacrée à l’examen de la législation relative aux enfans abandonnés.


I.

On a souvent parlé, dans ce recueil[1] comme ailleurs, et beaucoup plus souvent en mal qu’en bien, de la législation anglaise sur l’assistance publique. L’exemple de cette sévérité nous a été donnée par les Anglais eux-mêmes, dont plusieurs, et des plus éminens, ont exprimé dans leurs discours ou dans leurs livres une opinion très défavorable au principe des poor laws. Ces lois ont été appelées en pleine réunion publique « une malédiction pour les classes laborieuses » (a curse for labouring classes), par un représentant de ces classes ; et des économistes distingués, entre autres le professeur Fawcett et M. Prettyman, auteur d’un ouvrage intéressant intitulé Dispaupenzation, n’hésitent pas à faire remonter à cette législation l’origine de ce fléau du paupérisme qui travaille incessamment la robuste Angleterre. Peut-être même y a-t-il chez nos voisins une certaine tendance à dépeindre leur législation sur l’assistance publique comme plus défectueuse qu’elle ne l’est en réalité, et à rejeter sur cette législation malencontreuse la responsabilité d’un état social qui, à mes yeux du moins, est en grande partie le résultat d’une distribution trop inégale de la richesse et d’une concentration trop grande de la propriété foncière en un petit nombre de mains.

Quoiqu’il en soit de cette controverse théorique, les principes de l’assistance publique en Angleterre sont tellement connus qu’il est presque inutile de rappeler que c’est un statut de la quarante-troisième année du règne d’Élisabeth (1602) qui a mis à la charge des paroisses l’entretien obligatoire de tous les indigens qui se trouveraient hors d’état de se suffire à eux-mêmes. Ce principe général, dont

  1. Voir les travaux de M. Louis Reybaud, et ceux de M. Davesiès de Pontès.