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UNE DEFAITE
DE LA
DÉMOCRATIE AUTORITAIRE
A GENÈVE

Les petits pays ont leur importance, leur incontestable utilité, et il serait fâcheux que la politique des grandes agglomérations les fît tous disparaître; nous ne voyons pas bien ce que l’humanité y gagnerait; nous voyons très bien ce qu’elle y perdrait. Les petits pays ne sont pas seulement des coussinets placés entre les grandes puissances ambitieuses et destinés à amortir les chocs, à diminuer les frottemens; ce sont aussi des laboratoires où il se fait beaucoup d’expériences curieuses, que tout le monde peut mettre à profit. Sans doute il faut un grand effort de sagesse pour profiter des expériences des autres; mais il faut savoir faire cet effort, cela vaut mieux que de s’instruire à ses propres dépens. Dans les petits pays, les essais malheureux produisent des secousses, des crises, des désordres passagers, ils aboutissent rarement à des catastrophes. On a dit de certaines révolutions que c’étaient des tempêtes dans un verre d’eau. En politique, les verres d’eau ont leurs marées, qui obéissent aux mêmes lois que celles de l’Océan ; mais les accidens qu’elles causent sont moins graves.

De tous les petits états, celui qui a le plus de goût pour l’expérimentation politique est assurément la Suisse, et de toutes les républiques souveraines qui composent la confédération helvétique, Genève est peut-être celle dont les aventures ont le plus de retentissement au dehors. Sans contredit Genève n’est plus ce qu’elle fut jadis. « On a vu, disait Voltaire, une république dix fois plus petite encore qu’Athènes attirer pendant cent cinquante ans les regards de l’Europe, et son nom placé à côté du nom de Rome, dans le temps que Rome commandait