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de l’atmosphère, de se demander si ces mouvemens n’étaient pas affectés par certaines circonstances locales et si réellement les forêts exerçaient l’action qu’on leur supposait. C’est à l’ensemble des travaux entrepris dans cette direction qu’on a donné le nom de météorologie forestière, et nous en avons ici même déjà exposé les principes et les résultats[1]. Si nous revenons sur ce sujet, c’est parce que ces résultats ont été pleinement confirmés par les observations postérieures, et qu’ils peuvent dès aujourd’hui être considérés comme la conséquence d’une loi générale.

A part quelques expériences isolées faites par les agens forestiers dans diverses régions de la France, notamment par MM. Cantegril et Bellaud dans la Meurthe, c’est à l’école de Nancy que revient l’honneur d’avoir commencé en 1866 des observations suivies et méthodiques qui, continuées jusqu’aujourd’hui, sont consignées dans un rapport adressé par M. Mathieu au président du conseil d’administration des forêts. Quelques années plus tard, en 1873, M. Fautrat, sous-inspecteur des forêts à Senlis, a entrepris de son côté une série d’observations analogues, quoique conçues d’une manière différente et qui ont fait l’objet de plusieurs communications à l’Académie des sciences[2].

M. Mathieu a établi ses stations d’observations, l’une aux Cinq-Tranchées, à 8 kilomètres de Nancy, au milieu de la forêt de Haye; la deuxième à Bellefontaine, sur la limite même de la forêt, et la troisième à Amance, à 16 kilomètres de Nancy, en terrain découvert et dans une région qui, sans être dépourvue de bois, est plus spécialement agricole. Il y a installé des pluviomètres, des thermomètres et des atmidomètres pour mesurer l’évaporation. Ses observations, continuées depuis douze années, l’ont conduit aux résultats suivans, qui se sont toujours reproduits et qui peuvent être considérés comme acquis. En forêt, la température moyenne est toujours plus basse qu’en terrain découvert; mais la différence est moins sensible en hiver qu’en été; les températures maxima y sont toujours plus basses, et les températures minima plus élevées;

  1. Voir la Revue du 1er juin 1875.
  2. Ces expériences, auxquelles M. Fautrat prenait le plus vif intérêt et pour lesquelles il avait fait des sacrifices personnels assez considérables, vont probablement être interrompues, car cet agent, distingué à tous égards, ayant eu le malheur de déplaire à un personnage politique du département, vient d’être change de résidence. C’est une mesure très regrettable, non-seulement à cause de celui qui en est l’objet et des travaux qu’il laisse en suspens, mais parce que l’intervention de la politique dans l’administration amoindrit les fonctionnaires aux yeux des populations et leur enlève toute autorité réelle. Qu’un ministre change ou révoque un préfet qui ne pense pas comme lui, c’est dans l’ordre; mais qu’une administration non politique se laisse imposer le renvoi d’un fonctionnaire qui n’a pas démérité, qui doit son emploi non à la faveur, mais aux épreuves qu’il a subies, c’est accepter une humiliation qu’il eût été de sa dignité, surtout sous un gouvernement républicain, de repousser absolument.