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sous celui des produits qu’il fournit. Il couvre environ 643,000 hectares des régions montagneuses de la France; mais c’est surtout dans la chaîne des Vosges, du Jura et des Pyrénées que, soit à l’état pur, soit mélangé avec l’épicéa ou le hêtre, il forme d’immenses massifs dont l’aspect grandiose étonne ceux qui y pénètrent pour la première fois. Le bois du sapin est peu résineux, léger, mais élastique, nerveux et d’une grande résistance à la flexion et à la traction. Ces qualités ne se présentent pas au même degré sur tous les sujets, car la nature du sol, l’altitude et l’exposition influent sur la végétation et agissent par contre-coup sur la qualité du bois. Le sapin est employé dans les constructions comme charpente de bâtiment et échafaudages ; dans la marine, comme planchers de ponts, mâtures et bordages[1]; dans la menuiserie, comme bois de sciage pour la confection des meubles communs, des cloisons, des planchers, des lambris, des portes, etc. Excellent bois de fente, il donne des bardeaux pour les toitures, et pour abriter dans les campagnes les murs des maisons contre les pluies; des merrains pour cuves, seaux, des bannes de vendange; des cerches pour la fabrication des boîtes à fromage ; on en fait encore des tuyaux de fontaines, des bondes de tonneaux et de la pâte à papier. La sciure des nombreuses scieries des Vosges qui n’est pas utilisée sur place est envoyée à la compagnie des petites voitures à Paris, pour servir de litière à ses chevaux. Le sapin donne un bois de chauffage médiocre, brûlant vite et sans grande puissance calorifique.

L’épicéa occupe dans l’ensemble des forêts une aire de 275,000 hectares environ. Essence montagneuse, il végète à une altitude supérieure à celle du sapin et forme sur la frontière orientale une longue bande qui du nord au sud s’étend sur les sommets des Vosges, les plateaux élevés du Jura et les régions moyennes des Alpes. Il donne un bois tendre, léger, à grain régulier, susceptible d’un beau poli, sonore, propre à la fente et à la menuiserie, mais trop peu résistant pour être employé dans les constructions.

Le mélèze est avant tout l’arbre des hautes régions, dont il couvre

  1. Une commission nommée en 1840 pour expérimenter les différentes espèces de bois propres à la mâture a donné la préférence aux sapins du département de l’Aude; voici comment elle s’exprime : «Sous le rapport de la résistance on voit qu’à l’exception du pin des Florides, dont le grain et la pesanteur se rapprochent des bois durs, les sapins provenant des forêts de l’Aude l’emportent sur tous les autres bois qui leur ont été comparés, même sur les plus sylvestres de Riga exclusivement employés jusqu’ici à nos mâtures... On peut donc conclure que le climat influe sur la force des bois d’une manière bien plus énergique que la lenteur et la régularité de la croissance; et qu’au lieu d’attendre trois cents et quatre cents ans comme on a été obligé de le faire dans la Norvège et la Russie pour obtenir des bois propres à la grosse mâture, on pourrait obtenir les mêmes dimensions, sans craindre de diminution de force, en cent quatre-vingts ou deux cents ans dans le nord de la France et en cent cinquante ou cent soixante ans dans les provinces méridionales. »